La Terrasse

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Théâtre - Entretien

Les Trois Sœurs

Les Trois Sœurs - Critique sortie Théâtre saint denis Théâtre Gérard-Philipe
Le metteur en scène Jean-Yves Ruf. DR

Entretien / Jean-Yves Ruf Le Maillon / Théâtre Gérard-Philipe / d’Anton Tchekhov / mes Jean-Yves Ruf

Publié le 24 février 2015 - N° 230

Jean-Yves Ruf met en scène Les Trois Sœurs, d’Anton Tchekhov. Une exploration des mystères du temps qui passe. 

Vous déclarez avoir toujours été fasciné par Les Trois Sœurs. Sur quoi repose cette fascination ?

Jean-Yves Ruf : C’est difficile à dire car il s’agit d’une pièce où, finalement, il ne se passe pas grand-chose. Je crois que ce qui me captive vraiment, c’est l’ambiance très particulière qui plane entre ces trois jeunes filles sans père. Elles tiennent encore salon (un reste de salon), essaient de perpétuer les airs d’apparat qui existaient du temps de leur père. Des gens désœuvrés viennent passer leurs après-midis auprès d’elles… Tout cela m’a toujours intrigué et attiré à la fois…

Et pourtant vous vous êtes longtemps tenu à l’écart de cette pièce…

J.-Y. R. : Oui, car je pense qu’il faut avoir un rêve très fort de ce que sont ces trois sœurs, de ce que représente ce vivier, ce collectif de personnages pour s’emparer de cette pièce. Or malgré ma fascination, j’ai longtemps été envahi d’images qui ne me satisfaisaient pas. Je n’arrivais pas à me sortir d’un imaginaire centré sur trois jeunes filles doucereuses, un peu tristes et pleurnichardes. Or j’avais l’intuition que la pièce se situait ailleurs, dans un univers beaucoup plus vivant qui m’est apparu en voyant un film de la réalisatrice suisso-argentine Milagros Mumenthaler. Ce film, intitulé Trois Sœurs, a libéré quelque chose en moi. Il m’a permis de me débarrasser des clichés sur Tchekhov qui m’habitaient jusque-là. J’ai donc pu imaginer quelque chose de plus libre, de plus concret, de moins compassé. Car, avant tout, la pièce raconte qu’il faut vivre. Les personnages passent leur temps à tomber et à se relever, un peu comme des clowns.

« Dans Les Trois Sœurs, beaucoup de structures sont sous-jacentes. »

Quel a été le fil conducteur de votre travail avec les comédiens ?

J.-Y. R. : J’ai travaillé plus de temps à la table que d’habitude. D’ordinaire, j’ai besoin de me rassurer en passant assez rapidement sur le plateau. Pour ce spectacle, j’ai senti qu’il ne fallait pas aller trop vite. Dans Les Trois Sœurs, beaucoup de structures sont sous-jacentes. Un imaginaire plus fort que ce qui se raconte doit être mis au jour. Nous avons donc passé plus de temps à la table pour roder autour de chaque structure, pour découvrir les parcours souterrains, toutes les scènes rêvées de la pièce. Ensuite, nous avons travaillé à partir d’improvisations pour essayer de saisir intimement les partitions intérieures sur lesquelles s’accrochent les répliques.

 Quelle vision avez-vous, aujourd’hui, de ces trois sœurs ?

J.-Y. R. : J’ai l’impression qu’elles représentent trois variations sur un même thème : comment on vit, comment on trouve un chemin à travers le deuil de certaines utopies. Chez Tchekhov, le héros est le temps qui passe. Il n’y a pas de dramaturgie de l’événement, de la crise, du dénouement. On ne peut pas se raccrocher à des éléments de narration efficaces. On est donc obligé d’explorer quelque chose de la complexité humaine, de notre rapport à la mort, à l’enfance, à la solitude, de notre envie de vivre et de rester debout. C’est ça, avant tout, qui doit résonner sur le plateau.

* Texte joué dans la traduction d’André Markowicz et de Françoise Morvan.

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Les Trois Sœurs
du lundi 30 mars 2015 au dimanche 19 avril 2015
Théâtre Gérard-Philipe
59 Boulevard Jules Guesde, 93200 Saint-Denis, France

Du lundi au Samedi à 20h, les dimanches à 15h30. Relâches les mardis et le lundi 6 avril. Durée : 2h45. Tél. : 01 48 13 70 00. Création du 10 au 12 mars 2015 au Maillon Théâtre de Strasbourg – Scène européenne. Tél :03 88 27 61 71. Puis les 17 et 18 mars au Théâtre La Piscine à Châtenay-Malabry, du 24 au 26 mars à la Maison de la Culture de Bourges, les 23 et 24 avril à l’Espace des Arts de Châlons-sur-Saône, les 28 et 29 avril à l’ESPAL au Mans.

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