Les Théâtrales Charles Dullin

Un Riquet rondouillard et sans houppe dans un monde dirigé par les femmes, cinq adultes déprimés qui se rêvent en Peter Pan, une Blanche Neige installée au dernier étage d’un HLM en pleine Guerre Froide… Avec leurs héros de contes classiques transformés en personnages d’aujourd’hui, les spectacles jeune public qui ouvrent cette année les Théâtrales Charles Dullin donnent le ton du festival : résolument contemporain et porté sur des questions de société. La condition féminine notamment, à laquelle sont consacrés plusieurs des trente spectacles de la nouvelle édition de ce festival. De même qu’aux dérives du libéralisme, à la crise environnementale ou encore au repli nationaliste. Chaque proposition posant à sa manière une même question : comment dire « je » quand tout s’effondre ? « Dire  »je », se vivre  »je », non pas dans l’individualisme, mais dans l’individuation ! », dit dans l’édito de cette édition Guillaume Hasson, directeur artistique du festival. Aussi plurielles que les sujets abordés, les écritures défendues par ce dernier offrent un beau panorama de la création actuelle à un public parfois éloigné du champ de la culture.

Un « je » en prise avec le monde

Pour susciter des envies et des habitudes de théâtre, un réseau de Colporteurs aux origines sociales et géographiques diverses est invité pendant les deux mois du festival à voir des pièces et à rencontrer les artistes. L’action culturelle des Théâtrales s’inscrit aussi dans la durée : pendant plusieurs mois, l’auteur et metteur en scène Nasser Djemaï a par exemple travaillé à l’Office des migrants de Champigny-sur-Marne afin de recueillir des témoignages sur la construction identitaire. Il a ainsi écrit Vertiges Fragments, susceptible d’accompagner le grand format Vertiges, qui sera créé en janvier 2017 à la MC2 de Grenoble. De nombreuses créations récentes ponctuent le festival. Parmi elles, Il faut beaucoup aimer les hommes du collectif Das Plateau et Un démocrate, où Julie Timmerman constate l’échec du modèle démocratique à travers la figure d’Edward Bernays, le neveu de Freud dont le Système a transformé le monde. On retrouve aussi des pièces qui ont déjà fait leurs preuves à Paris et en tournée, comme l’excellent Nobody de Falk Richter monté par Cyril Teste. Autant d’occasions de penser ensemble l’époque par le « je ».

Anaïs Heluin