La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2016 - Entretien / Ivo van Hove

Les Damnés

Les Damnés - Critique sortie Avignon / 2016 Avignon Festival d’Avignon. Cour d’honneur du Palais des papes
Crédit : Jan Versweyveld Légende : Le metteur en scène Ivo van Hove.

Cour d’honneur du Palais des papes / d’après Luchino Visconti, Nicola Badalucco et Enrico Medioli / mes Ivo van Hove

Publié le 26 juin 2016 - N° 245

En ouverture de cette 70ème édition du Festival d’Avignon, la troupe de la Comédie-Française fait son retour – après 23 ans d’absence – dans la Cour d’honneur du Palais des papes. Pour cet événement, l’administrateur général de la Maison de Molière a choisi le metteur en scène flamand Ivo van Hove, qui signe une adaptation du film de Luchino Visconti, Les Damnés

Lors de notre précédent entretien, au sujet de votre trilogie Kings of War*, vous déclariez que vos créations s’inscrivent toujours dans une forme d’urgence absolue. En quoi adapter aujourd’hui à la scène Les Damnés est-il, pour vous, de l’ordre d’une telle urgence ?

Ivo van Hove : Les Damnés raconte le destin d’une famille très riche et très puissante (qui s’inspire de la famille allemande Krupp). A travers son scénario, Luchino Visconti analyse ce qui se passe lorsque des intérêts économiques se mêlent, et finalement en viennent à se confondre, à des intérêts politiques. Ici, les forces politiques à l’œuvre sont celles du nazisme. Dans cette histoire, l’être humain semble davantage motivé par le désir de prospérité financière que par le désir de bien-être social. Il me semble très intéressant d’interroger, aujourd’hui, cette chose-là.

Etes-vous inquiet du resurgissement actuel des populismes ?

I. v. H. : Oui, bien sûr. Car le propre du populisme est d’être irrationnel et donc imprévisible. Qui aurait pu penser, il y a encore un an, que Donald Trump pourrait un jour être en position de devenir président des Etats-Unis. Mais mon inquiétude ne me fait pas basculer dans le pessimisme. Je suis quelqu’un qui croit dans le futur. Bien sûr, nous vivons dans une époque très dure, mais je ne veux pas perdre espoir.

Pourtant, dans Les Damnés, l’espoir n’est pas très présent…

I. v. H. : Non, j’en conviens ! Ce texte est vraiment un coup de projecteur donné sur le mal. Mais je crois que le théâtre est aussi là pour ça : pour montrer ce qui nous semble dangereux, ce que nous souhaitons combattre.

« Faire face à la Cour d’honneur est un défi extrême, absolu. »

Vous avez déjà adapté au théâtre Rocco et ses frères, et Ludwig. Qu’est-ce qui vous attache à l’œuvre de Luchino Visconti ?

I. v. H. : Je crois que les films de Visconti sont très importants. Peut-être même encore plus importants aujourd’hui qu’à l’époque où ils ont été réalisés (ndlr, Les Damnés est sorti en 1969). Ces films explorent des thématiques fondamentales pour notre présent. Par exemple, Rocco et ses frères pose la question de l’immigration et de l’intégration. Quant à Ludwig, qui évoque la vie de Louis II de Bavière, il traite de la question du pouvoir de façon passionnante. Il nous montre un roi qui ne veut pas être roi, un roi qui essaie d’utiliser son pouvoir politique pour imposer la culture, l’art, au centre de la société. Ce sont vraiment des œuvres très riches.

Comment avez-vous travaillé à l’adaptation des Damnés ?

I. v. H. : Je ne pars jamais du film. Je travaille sur le texte à partir du scénario, auquel je reste fidèle, en procédant bien sûr aux aménagements qu’impose le passage au théâtre. En ce qui concerne les images, je m’accorde en revanche une liberté totale.

Avec ce spectacle, vous allez pour la première fois investir la Cour d’honneur. Cette aventure a-t-elle, pour vous, une charge symbolique particulière ?

I. v. H. : Je crois que faire face à la Cour d’honneur est, pour un metteur en scène, un défi extrême, absolu. Bien sûr, quand on présente un spectacle aussi politique que Les Damnés dans un lieu comme celui-ci, la chose prend une dimension particulière. Et puis, il y a le fait que je travaille avec la troupe de la Comédie-Française. Ce projet n’est évidemment pas un projet comme un autre.

 

* La Terrasse n°233, juin 2015

 

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Les Damnés
du mercredi 6 juillet 2016 au samedi 16 juillet 2016
Festival d’Avignon. Cour d’honneur du Palais des papes
Place du Palais, 84000 Avignon, France

à 22h, relâche le 10. Tél : 04 90 14 14 14. Durée estimée : 2h.

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