La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Les Autonautes de la cosmoroute

Les Autonautes de la cosmoroute - Critique sortie Théâtre
© Elisabeth Carecchio Huit comédiens unis par une formidable énergie collective et une inventivité continue.

Publié le 10 avril 2012 - N° 197

Les compagnies Jakart et Mugiscué transposent à la scène Les Autonautes de la cosmoroute de Julio Cortazar et Carol Dunlop. Une suite de saynètes loufoques, ludiques, et délirantes plutôt réussies.

23 mai 1982, 14h12. Départ. De Paris à Marseille, dans un combi Volkswagen jusqu’à la fin de l’autoroute, en s’arrêtant à chacune des 65 aires en un peu plus d’un mois de périple, à raison de deux aires par jour, sans jamais quitter la voie rapide devenue voie exploratoire. Plus c’est fou, plus c’est beau. Se sachant atteints de maladie incurable, les écrivains et citoyens du monde engagés pour une Amérique du Sud libre Julio Cortazar et Carol Dunlop, très amoureux l’un de l’autre, ont entrepris cet étrange voyage étirant le temps et défaisant les habitudes pour mieux célébrer le présent, intensément, intimement, avec toute la fantaisie et la liberté possibles. « Le temps mord sur l’espace, le transforme. » Le Loup (Julio) et L’Oursine (Carol) ont relaté leur aventure dans Les Autonautes de la cosmoroute (1983), livre paraît-il très connu en Amérique du Sud, source d’inspiration des compagnies Jakart et Mugiscué. Environ trente ans plus tard, en mai 2011, les membres des ces compagnies renouvellent donc l’expédition, puis entreprennent de transformer cette inédite relation au long ruban d’asphalte en œuvre théâtrale.  Le texte leur sert de guide, auquel ils ajoutent la matière qu’ils ont eux-mêmes glanée, et écrite, avant de synthétiser le tout en scènes de théâtre loufoques, délirantes et ludiques.

Inventaire à la Perec ou à la Prévert

Les diverses étapes au fil des aires se déclinent comme autant de micro-événements humoristiques et poétiques qui interpellent les participants de multiples façons et donnent aux éléments triviaux du réel un relief étonnant : fourmis, communiqués de 107.7, nuits du parking, édicules divers, etc ! L’actualité avec le conflit Angleterre-Malouines par Arlette Chabot fait aussi irruption. C’est une sorte d’inventaire plus visuel que littéraire à la Prévert ou à la Perec. Les huit comédiens mis en scène par Thomas Quillardet parviennent à passer du bitume au plateau en créant avec piquant une suite de saynètes désopilantes, certaines plus drôles ou émouvantes que d’autres. Une fois passé l’effet de surprise, ils n’évitent cependant pas un aspect répétitif et superficiel. Si la pièce  demeure joyeusement délirante et divertissante, elle ne transforme pas cette expérience autoroutière en prisme pour voir le monde autrement. L’humour en tout cas et parfois l’émotion s’expriment grâce à une formidable énergie collective, une utilisation optimale et artisanale de l’espace  et une inventivité débridée.

Agnès Santi


Les Autonautes de la cosmoroute, création collective d’après l’œuvre de Julio Cortazar et Carol Dunlop, mise en scène Thomas Quillardet, du 21 mars au 19 avril, du mercredu au samedi à 21h, mardi à 19, dimanche à 16h, au Théâtre de La Colline, 15 rue Malte-Brun, 75020 Paris. Tél : 01 44 62 52 52.

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