La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Les Affaires sont les affaires

Les Affaires sont les affaires - Critique sortie Théâtre Lyon Les Célestins – Théâtre de Lyon
Isidore Lechat et son intendant (François Marthouret et Geoffrey Carey). © Simon Gosselin

Les Célestins – Théâtre de Lyon / en tournée / d’Octave Mirbeau / mes Claudia Stavisky

Publié le 28 mars 2016 - N° 242

Dans un espace épuré, Claudia Stavisky souligne l’actualité du cinglant portrait d’octave Mirbeau et laisse voir son insondable brutalité. Avec François Marthouret dans le rôle de l’homme d’affaires à l’appétit insatiable.

Journaliste engagé, pamphlétaire redouté, critique d’art défenseur des avant-gardes, romancier et auteur dramatique, Octave Mirbeau (1848-1917) invente avec Les affaires sont les affaires une fresque familiale et sociale visionnaire, dessinant au vitriol le portrait d’une société structurée et dirigée par l’argent. Qui est de moins en moins celui des aristocrates, auxquels il reste le prestige, mais plutôt celui d’une bourgeoisie en pleine ascension. A sa création en 1903 à la Comédie-Française, la pièce connut un immense succès. Au centre de l’oeuvre, un homme d’affaires qui a acquis un empire industriel et médiatique, dont la soif de pouvoir se fixe inlassablement de nouveaux objectifs. Un appétit insatiable, un flair imparable, un individualisme carnassier : Isidore Lechat est un prédateur entièrement voué à ses propres besoins, avec en toutes circonstances du ressort et surtout pas de principes. Il souhaite que sa fille, qui a en horreur la voracité sans scrupules de son père, épouse le Marquis de Porcellet, mais on ne manie pas les âmes comme on gère les affaires.

Permanence des rapports de domination

Très juste, François Marthouret interprète l’homme d’affaires à la fois avec vivacité – car cet homme-là est une force, une énergie – et nuances. Claudia Stavisky souhaite éclairer la tension entre « l’individu et la mécanique implacable des mouvements qui le dépassent ». Elle y parvient grâce à une direction d’acteurs finement maîtrisée, avec Marie Bunel (la mère), Lola Riccaboni (la fille), Lucien Garraud (l’amant de la fille), l’intendant (Geoffrey Carey), Eric Caruso (le Marquis de Porcellet), Stéphane Olivié-Bisson (l’ingénieur Phinck), Alexandre Zambeaux (l’ingénieur Gruggh) et Fabien Albanese (le fils). L’espace est délimité par un haut mur lambrissé, et de larges ouvertures laissent voir un ciel vide, qui se transforme au fur et à mesure de l’avancée vers un crépuscule d’une noirceur absolue. L’univers intérieur , resserré et épuré, mêle des éléments du passé et du présent, et contribue à souligner la permanence des rapports de domination et la vanité d’un progrès qui sert principalement la course au profit. Après une scène inaugurale convenue, la pièce gagne en épaisseur et laisse voir la brutalité, la vulnérabilité et les fêlures de cette société où l’apparence de réussite masque de terrifiants dysfonctionnements. Et où menace le danger d’une effarante déshumanisation des relations, qui atteint ici de plein fouet une cellule familiale abîmée.

Agnès Santi

A propos de l'événement

Les Affaires sont les affaires
du mardi 1 mars 2016 au samedi 7 mai 2016
Les Célestins – Théâtre de Lyon
Place des Célestins, 69002 Lyon, France

Du 1er au 26 mars et du 3 au 7 mai 2016. Du mardi au samedi à 20h, les dimanches à 16h. Relâche les lundis. Tél. : 04 72 77 40 00. www.celestins-lyon.org Egalement du 5 au 9 avril au Théâtre du Gymnase à Marseille, du 10 au 13 mai au Théâtre de Namur, les 19 et 20 mai au Théâtre de Privas, du 25 au 28 mai à la Comédie de Picardie.

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