La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Le Suicidé

Le Suicidé - Critique sortie Théâtre saint denis Théâtre Gérard-Philipe
La troupe du Berliner Ensemble s’empare du Suicidé, sous la direction de Jean Bellorini. Crédit : Berliner Ensemble

Théâtre Gérard-Philipe – CDN de Saint-Denis / de Nicolaï Erdman / mes Jean Bellorini

Publié le 30 août 2016 - N° 246

Invité, la saison dernière, à mettre en scène Le Suicidé en Allemagne par le Berliner Ensemble, le metteur en scène Jean Bellorini reprend cette tragi-comédie loufoque au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis. Un spectacle de haut vol.

Il y a d’abord un petit lit, plaqué contre un mur. Dans un vague clair-obscur. Un homme est là, sans dormir, comme perdu dans l’atmosphère ténébreuse d’une nuit sans sommeil. Puis il y a une chanson. Sobrement accompagnée à l’accordéon. Chanson à travers laquelle Carmen-Maja Antoni (qui fut et qui reste la Mère Courage magistrale du spectacle créé, en 2005, par le metteur en scène Claus Peymann) impose d’emblée l’intériorité et la profondeur de jeu qui font du Berliner Ensemble ce qu’il est : l’une des plus belles troupes au monde. Ici, dans Le Suicidé, création signée par le jeune directeur du Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis à l’invitation de l’institution berlinoise, la grande comédienne allemande interprète la belle-mère de Semjon, personnage-titre de la pièce de Nicolaï Erdman (1902-1970). Suite à un quiproquo laissant croire à son entourage qu’il a l’intention de mettre fin à ses jours, ce chômeur à l’existence maussade devient le point de mire des différentes communautés composant la société (l’URSS de la fin des années 1920) à laquelle il appartient. Tous ont des griefs à faire valoir et cherchent à récupérer les fruits politiques de l’acte qu’ils encouragent.

Georgios Tsivanoglou : un suicidé impressionnant

Tout à coup regardé, courtisé, célébré, Semjon a l’impression que sa vie – jusque-là vide et sans avenir – vaut enfin quelque chose. Participant au tourbillon funèbre que sa fin annoncée met en marche, il devient l’emblème d’une humanité bouffonne et chaotique. Dans une mise en scène qui – entre texte et musique, esprit loufoque et mélancolie – joue parfaitement des changements d’espaces et d’atmosphères, Georgios Tsivanoglou confère une intensité impressionnante à son personnage. Toute d’inventivité, de précision, de hauteur de vue, la performance du comédien entraîne la troupe (quatorze comédiens et deux musiciens) dans des tableaux d’une grande envergure. Sans réellement s’attarder sur la dimension politique de la pièce (trop critique envers le régime soviétique, Le Suicidé a été interdit en URSS jusque dans les années 1980), la représentation conçue par Jean Bellorini déploie de belles teintes existentielles et oniriques. Caractéristique de l’univers propre au metteur en scène, cette proposition plonge au cœur de l’humain. Elle déploie les accents drôles, sensibles, d’un théâtre fait de vivacité et d’imaginaire.

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Le Suicidé
du mercredi 12 octobre 2016 au dimanche 16 octobre 2016
Théâtre Gérard-Philipe
59 Boulevard Jules Guesde, 93200 Saint-Denis, France

Du mercredi au samedi à 20 h, le dimanche à 15h30. Spectacle vu le 18 février 2016 au Berliner Ensemble à Berlin. Durée de la représentation : 2h05. Spectacle en allemand, surtitré en français Tél. : 01 48 13 70 00. www.theatregerardphilipe.com

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