La Terrasse

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Théâtre - Critique

Le Socle des Vertiges

Le Socle des Vertiges - Critique sortie Théâtre
Légende : Le Socle des Vertiges Crédit photo : Julien Kraemer

Publié le 10 novembre 2011 - N° 192

Depuis 2002, Dieudonné Niangouna est un fidèle des Francophonies en Limousin où il vient de présenter sa dernière création : Le Socle des Vertiges. Une première version aussi prometteuse que perfectible qui part s’installer aux Amandiers.

Comme souvent les spectacles de Dieudonné Niangouna, Le Socle des Vertiges rapporte des destins chaotiques que traversent les violents soubresauts de l’Histoire du Congo. L’auteur, également acteur et metteur en scène pour cette pièce, sera artiste associé au festival d’Avignon 2013, en tandem avec Stanislas Nordey. Né en 1976 à Brazzaville, il avait 17 ans quand a éclaté la première guerre civile au Congo. Il a erré sur le territoire comme tant de civils ballotés par les mouvements des armées rivales, n’échappant que par miracle à son exécution, pistolet sur la tempe. Son œuvre progresse sans cesse à travers des récits imprégnés de son histoire, et dans cette perspective, Le Socle des Vertiges marque une inflexion puisque le spectacle fait monter cinq comédiens sur scène – et le régisseur plateau – là où Dieudonné Niangouna procédait auparavant par monologues et duos. L’histoire, autour de deux frères, Fido et Roger, offre un socle étroit au tourbillonnant vertige dramaturgique qu’a élevé ici l’auteur. Elle conduit le spectateur dans les quartiers les plus défavorisés de Brazzaville – ceux des Crâneurs et de Mouléké – un macrocosme grouillant, anarchique et gangréné par la délinquance, la came et la prostitution. L’empreinte autobiographique dans ce spectacle demeure donc, puisqu’il s’agit des quartiers d’enfance de l’auteur, et la rivalité fraternelle évoquée offre un contrepoint intéressant à la complicité artistique de Dieudonné et son frère qui, encore ici et depuis longtemps, collaborent sur scène.

Energie éruptive

Mais Fido et Roger, finalement, ne sont qu’un fil, tant l’œuvre est complexe, éclatée, profuse, l’écriture jaillissante et volcanique, la dramaturgie tournoyante, tant la parole colérique, crachée, la scénographie tour à tour décalée, violente ou burlesque emportent le spectateur dans l’attendu maelstrom. Une meilleure acculturation à l’histoire et à la géographie du Congo n’y suffirait sans doute pas. L’avalanche de monologues, qui n’épargnent aucune violence, font briller l’extraordinaire et percutante inventivité poétique de l’écriture de Niangouna ; la scénographie de vidéos d’éviscérations en costumes parodiques, séduit par une certaine beauté et une grande simplicité ; à chaque scène la parole happe et, crescendo, dévoile son sens, déploie son énergie éruptive. Mais l’accumulation de tableaux itératifs, touffus et déroutants noie plutôt que de faire respirer, ensevelit plutôt que d’éclairer. On sort abasourdi. Pas seulement pris de vertiges. Sûr que d’ici les Amandiers le spectacle gagnerait à impérativement se simplifier.

Eric Demey


Le Socle des vertiges de Dieudonné Niangouna. Du 9 novembre au 4 décembre 2011 au Théâtre des Amandiers, 7 avenue Pablo Picasso à Nanterre. Tél : 01 46 14 70 00.

A propos de l'événement


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