La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Le Roi Cymbeline

Le Roi Cymbeline - Critique sortie Théâtre
Crédit : Antoine Agoudjian Légende : « Cloten, Bélarius, Polydore et Cadwal dans la forêt du Roi Cymbeline. »

Publié le 10 avril 2012 - N° 197

Terre meuble, arbres qui bougent, manipulateurs encapuchonnés pour comédiens plutôt physiques, le Cymbeline furieux d’Hélène Cinque laboure la Nature.

La « romance » de Cymbeline (1609) s’achève sur le pardon et la rédemption. Auparavant, il aura fallu aux protagonistes emprunter des chemins de traverse semés d’embûches. Imogène, la fille du Roi de Bretagne Cymbeline, est la véritable héroïne de ce conte de fées shakespearien. Comme dans les contes, la jeune fille n’a plus de mère, et son père s’est remarié avec une marâtre digne de Blanche-Neige, d’autant que cette dernière est mère d’un fils prétentieux, Cloten, qu’elle aimerait bien voir épouser l’unique héritière du royaume. Cymbeline a perdu en effet ses deux autres fils, disparus voilà vingt ans. Pour lors, Imogène n’a que faire de ce vaniteux Cloten, elle lui préfère le juste Posthumus qui est exilé à Rome par la colère royale. Un comparse italien à la parole perverse engage le jeune homme à parier sur la vertu d’Imogène. La calomnie mensongère, thème cher à Shakespeare,  mène la danse, installant l’infamie à partir de la crédulité : « La calomnie dont le murmure lance à travers le monde, aussi droit qu’un boulet de canon vers sa cible, son dard empoisonné…« (Hamlet). La calomnie est fascinante en ce qu’elle révèle le mal en l’Homme, alimenté par les fausses croyances toujours attractives.

Allégorie politique

Posthumus donne l’ordre d’éliminer Imogène qui, éperdue d’amour, part le rejoindre à Milford-Haven. L’action se passe dès lors dans des terres moyenâgeuses de landes vierges où vivent anachroniquement des hommes des bois, un homme âgé et deux jeunes gens qui ne sont autres que les fils du Roi et le seigneur banni qui les élève. La jeune fille déguisée en homme est recueillie par ceux qu’elle ne sait pas être ses frères. Les territoires sont dévolus à la guerre armée entre Rome et la Bretagne, dans le rêve de deux entités de même envergure. Les personnages se déguisent, changent leur identité, se battent courageusement contre, ou bien pour leur patrie. La Bretagne et son roi sont les vainqueurs de ces combats, mais Cymbeline laisse la victoire aux Romains. Conte de fées, la pièce est aussi une allégorie politique. Hélène  Cinque choisit la clarté et l’efficacité d’un théâtre à la fois nu et populaire, parsemé de références souriantes aux films de Walt Disney, Blanche-Neige, mais aussi Merlin l’Enchanteur, et aux combats d’arts martiaux orientaux. Chemin, sentier, champ de bataille de terre grasse, les acteurs se jettent dans des luttes effrénées les uns sur les autres à travers des chorégraphies contrôlées, au milieu d’arbres, de fumées des combats et de la brume de Bretagne. Au dénouement, les amants sont réunis, et le mal extirpé. Des rôles attachants et bien frappés, comme Cloten en comique, Bélarius, Polydore, Cadwal, Pisanio et les autres…

Véronique Hotte


Le Roi Cymbeline, d’après William Shakespeare, traduction d’Ariane Bégoin ; mise en scène d’Hélène Cinque. Du mercredi au samedi à 20h, dimanche à 14h. Du 8 mars au 29 avril 2012. Théâtre du Soleil Cartoucherie 75012 Paris. Tél : 01 43 74 24 08.

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