La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Le Goret

Le Goret - Critique sortie Théâtre Montluçon Le Fracas
Crédit photo : Jean-Louis Fernandez Légende : « Le Goret (Julien Bonnet) et l’effigie paternelle. »

Théâtre des Célestins à Lyon / de Patrick McCabe / mes Johanny Bert

Publié le 29 octobre 2012 - N° 203

Objets, formes marionnettiques, manipulateurs et comédien solo, l’univers infiniment cruel et loufoque de McCabe retrouve sa poésie avec Johanny Bert. 

Traduite par Séverine Magois, la pièce Le Goret de l’écrivain irlandais Patrick McCabe est d’abord un roman, The Butcher Boy, adapté pour la scène sous le titre de Frank Pig Says Hello. Cette parole contemporaine émaillée de saillies heurte violemment le public policé, attentif à une multiplicité de voix qu’incarne avec rage et précision le comédien Julien Bonnet. À la fois morcelée et tourbillonnante, incisive et imagée, cette langue est loin d’être mièvre, elle relève à la fois du réalisme social : « Maguire le boucher. Sitôt saigné, sitôt servi. Si c’est une embauche que tu vises, qu’est-ce t’y connais aux cochons ? », et d’un onirisme universel : « Quelqu’un avait peint le ciel en orange ». Au milieu des figures hostiles et hétéroclites de l’enfance du narrateur livré à lui-même, se fait jour peu à peu la folie rude et crue du meurtrier en devenir  – pour autant attachant. Une mère dépressive et un père alcoolique, la famille est d’une condition sociale dévalorisée au cœur même du bourg. Une foule de personnages se croise : Frank enfant (le Goret) et tous ses acolytes, les copains Joe et Philip, les mères, les femmes du villages, l’homme à vélo, le boucher qui recrute ses apprentis dans le bourg. Tout ce monde rural du terroir irlandais flirte avec la culture pop du temps pour jeter à la face du monde les conséquences désastreuses d’une histoire d’amitié trahie.

La scénographie est un miroir de l’âme

La création de Johanny Bert, directeur du CDN de Montluçon – Région Auvergne, ne déroge pas au niveau d’inventivité promis par l’écriture de McCabe.  Pour le one man show insolite de Julien Bonnet, un cube surélevé tient lieu de plateau dont la surface blanche réduite bascule et s’incline parfois, préférant la position oblique à l’horizontalité. La scénographie en équilibre instable est un miroir de l’âme morcelée et brisée du « héros ». Les éclats de souvenirs et les ombres poétiques derrière l’écran de fond évoquent les éveils d’une conscience endormie. Sur la scène projetée dans les hauteurs, des fantômes manipulateurs déposent des accessoires divers : têtes, pantins, fauteuil, trompette, gazinières, chaussures. Pour incarner le rôle d’une mère arrogante et méprisante, « tout ça parce qu’elle avait vécu en Angleterre », le comédien enfile un talon rouge écarlate et préfère enfiler à l’autre pied un chausson plat qui désigne sa propre mère. Arts plastiques, chorégraphie, chants, l’acteur est homme-orchestre, joueur d’objets, de mains, de pieds, de voix, du corps entier. L’exécution de la partition scénique – l’expression d’un monde semé d’embûches et d’obstacles – relève de la virtuosité.

Véronique Hotte

A propos de l'événement

LE GORET
du mercredi 5 décembre 2012 au dimanche 5 mai 2013
Le Fracas
Place Troubat le Houx 03100 Montluçon

Du 20 novembre au 1er décembre 2012, Théâtre des Célestins à Lyon. Les 5, 6 et 7 décembre au CDN de Besançon Franche-Comté. Du 18 au 21 février 2013 à la Comédie de Valence. Le 9 avril à la Scène nationale de Dieppe. En mai 2013, à la Biennale internationale des Arts de la Marionnette 2013 à Paris. Texte publié aux Éditions espaces 34. Spectacle vu au Fracas à Montluçon.
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