La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2011 - Entretien Pascal Rambert

Le corps des mots

Le corps des mots - Critique sortie Avignon / 2011

Publié le 10 juillet 2011

Auteur et metteur en scène de Clôture de l’amour, Pascal Rambert propose une “pièce de danse” – comme il la qualifie – autour d’une heure trente de texte d’une rupture amoureuse. Un dialogue cruel qui fait s’affronter les corps de Stan (Stanislas Nordey) et Audrey (Audrey Bonnet).

Quelle est la genèse de Clôture de l’amour ?
Pascal Rambert : Un jour, Stanislas Nordey m’a demandé d’écrire pour lui. Alors l’été dernier – l’été, c’est le moment où l’on peut se taire – j’ai écrit ce dialogue pour lui et Audrey Bonnet, avec qui je travaille depuis longtemps. C’est quasiment ma petite sœur. J’avais envie de reconsidérer le dialogue de théâtre, de développer une écriture privilégiant l’oralité, suivant le mouvement d’une pensée qui se reprend sans cesse, avec le rythme brisé, interrompu et oxymorique des choses.

Pourquoi ce thème disons très traditionnel ?
P.R : Tous mes travaux sont des marqueurs d’un temps important de la vie, et la rupture amoureuse en fait naturellement partie. L’amour est une secte, comme une troupe de théâtre, ou une équipe de tournage. C’est un moment d’une importance extraordinaire. On est là-dedans, on se dit que c’est vrai, et c’est vrai. Puis vient le moment de la sortie du rêve qui est d’une grande méchanceté. Mais je n’ai rien à apprendre sur le sujet. Les textes qui essaient de dire que le dramaturge a un truc à nous apprendre sur la vie, je n’aime pas trop. En fait, j’essaie de mettre en place des processus d’ignorance, de non-savoir. L’art est un droit de non-savoir et je trouve cela très émouvant.

« 
L’art est un droit de non-savoir et je trouve cela très émouvant. »

Comment travaillez-vous ce duo ?
P.R : Je veux préserver ce que sont les acteurs. C’est le travail le plus difficile : conserver la personne, c’est mon objectif à chaque nouvelle création. Il faut trouver les conditions de la liberté de chacun sur le plateau. Stan et Audrey sont des matériaux très différents mais je ne cherche pas à les étalonner. Il faut enlever l’impression de théâtre, de faux, de protection. Le décor sera une salle de répétition grandeur nature. L’éclairage : la lumière étale d’un néon. Le temps sera continu, comme un long plan séquence et c’est ainsi que l’on travaille. En plans séquences comme des rounds de boxe.

Ce spectacle sera donc chargé d’une certaine violence ?
P.R : Absolument. Une séparation, c’est une explosion atomique. Chacun dit à l’autre : « je ne t’ai jamais dit ce que j’ai envie de te dire et maintenant tu vas m’écouter jusqu’au bout ». Celui qui reçoit ça reste donc bouche bée, littéralement interdit. C’est difficile de rester debout dans ces conditions et dans la première partie, le corps d’Audrey encaisse l’impact des mots de Stan. Et vice-versa dans la deuxième. C’est pourquoi je considère ce spectacle comme une pièce de danse. Par ailleurs, chacun des protagonistes est très attentif aux mots choisis par l’autre. Il favorise ainsi l’entrée dans cette chambre de torture que constitue la langue, comme le disait Lacan.

Propos recueillis par Eric Demey


Clôture de l’amour, de Pascal Rambert. Du 17 au 24 juillet à 18H, relâche le 19, salle Benoït XII, 20 rue du Portail Boquier. Tél : 04 90 14 14. Durée 1H30.

A propos de l'événement


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