La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Labiche

Labiche - Critique sortie Théâtre
© Marion Stalens Un père et sa fille (Thierry Gimenez et Romane Bohringer) : des tempéraments vifs… qui régalent le spectateur.

Publié le 10 avril 2011 - N° 187

29 degrés à l’ombre / Embrassons-nous, Folleville !
Pierre Pradinas orchestre avec brio deux délicieuses courtes pièces de Labiche, fraîches et piquantes, où le jeu des acteurs déploie un sens de l’exagération bien senti.

Pierre Pradinas nous convie à deux savoureuses courtes pièces de Labiche, de véritables parties de plaisir, fraîches, aériennes, allègres… Une scénographie astucieuse, des personnages impeccablement interprétés, et surtout une façon de jouer en complicité avec le public avec un soupçon de distance amusée et un sens de l’exagération toujours bien senti, en évitant une illustration plate et un réalisme conformiste. Ce parti pris crée une ambiance singulière, particulièrement réussie, – qu’elle soit feutrée comme dans la première pièce ou alors follement débridée comme dans la seconde -, et laisse voir tout le plaisir du jeu qui donne sens avec maestria à la verve comique de Labiche, à une peinture de mœurs critique et burlesque. Le metteur en scène confie avoir pensé à Chaplin à cause de l’élément fantasque qui fait dérailler la routine, on a aussi pensé à Jacques Tati pour la saveur des portraits et le comique des relations, empreint d’une forme d’absurde dérision et de naïveté.

Le défouloir s’enclenche

Parmi les quelque 170 pièces écrites par Labiche, ces deux-là, l’une écrite au début (1850) et l’autre à la fin (1873) de sa carrière, sont particulières, la première se passe en extérieur et la seconde voyage jusqu’au XVIIIe siècle. 29 degrés à l’ombre installe les protagonistes dans le calme alangui et routinier d’un dimanche à la campagne, avec écran de ciel bleu. Les Pomadour reçoivent, et outre les amis habituels se présente un nouveau venu, qui embrasse la maîtresse de maison. L’affront ne sera pas lavé par un duel, mais lâchement monnayé. « Il fait joliment chaud » et Pierre Pradinas a la bonne idée de bien faire sentir la langueur de l’ennui, dans une société menée par… l’argent ! Quelle cruauté pour l’épouse qui rêvait de voir enfin son mari manifester son amour… Changement de décor à vue. On intègre un intérieur kitsch sous Louis XV avec vases fleuris, comédiens perruqués et maquillés en costumes d’époque. Un père veut marier sa fille à Folleville. Les jeunes gens ne s’aiment pas, leur cœur est conquis par quelqu’un d’autre. La colère du père, la révolte de la fille, l’aplomb intrusif du second prétendant, et le défouloir s’enclenche, la vaisselle cassée finit par recouvrir le plateau. Des chansons interprétées en play-back ajoutent au ressort comique. Les comédiens, qui ont pour la plupart l’habitude de travailler en complicité avec Pierre Pradinas, sont parfaits, et le passage d’un rôle à l’autre est un régal : Romane Bohringer donne à son jeu un relief précis et savoureux, de même que Thierry Gimenez, Gérard Chaillou, Gabor Rassov et Matthieu Rozé.

Agnès Santi


Labiche 29 degrés à l’ombre et Embrassons-nous, Folleville ! du 10 mars au 10 avril, du mardi au samedi à 20h30 sauf jeudi à 19h30, dimanche à 16h, au Théâtre de La tempête, Cartoucherie, 75012 Paris. Tél : 01 43 28 36 36. Durée 1h40.

A propos de l'événement


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