La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Ronde de nuit

La Ronde de nuit - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Soleil
Crédit photo : Michèle Laurent Légende : « Les comédiens afghans de La Ronde de nuit par Hélène Cinque. »

Théâtre du Soleil / Création collective Théâtre Aftaab en Voyage /
mes Hélène Cinque

Publié le 30 mars 2013 - N° 208

La surveillance d’un théâtre par un gardien de nuit afghan et la venue inopinée de ses frères en exil. Une envolée de tourments oniriques et libérateurs par le théâtre Aftaab.

La Ronde de nuit, création collective du Théâtre Aftaab mise en scène par Hélène Cinque, n’a rien à voir avec le tableau éponyme de Rembrandt, sauf ce questionnement de Verlaine à son sujet :« De quel jour de mystère avec quelle ombre autour ? » On pense aussi à la ronde nocturne d’Hamlet dont le spectre du roi défunt apparaît dans la brume aux officiers shakespeariens. Ici, le théâtre du gardien de nuit afghan ressemble au Théâtre du Soleil, avec ses décors hétéroclites, ses cathédrales de valises, l’évocation de ses masques balinais et sa documentation qui rassemble les « archives du monde ». La façade de la verrière, éclairée de l’intérieur, donne sur les pelouses attenantes perdues dans la nuit, non loin du bois et des sans-abris, des trafiquants et des camionnettes de péripatéticiennes. Un soir d’hiver, lors d’un « orage de glace », des hommes et femmes afghans, en attente de papiers, de travail ou en transit avant l’Angleterre, trouvent refuge chez un compatriote plus heureux, loti d’un toit et d’un emploi. Son confort relatif fait que l’exilé converse par Skype avec sa femme restée en Afghanistan, sous le regard de parents tyranniques, une scène comique de quiproquos inénarrables entre le va-et-vient de l’écran et du plateau. Sur la scène, une locataire danseuse de cabaret ; le passage d’un sans-abri, d’une prostituée.

Une déferlante de secrets intimes

Le groupe d’Afghans est envahi dans son sommeil par des peurs et des terreurs non éteintes. Le théâtre dans le théâtre invite à une déferlante des secrets intimes.

Les fantômes des mémoires meurtries se réveillent sous la lumière de la « ghost lamp », la servante de théâtre. Deuils, séparations, souvenirs blessants ou bienfaisants parfois, les rêves sont brisés pour ceux qui ont quitté leur pays d’origine. Les corps – le visage caché sous un bonnet de laine – sont allongés sur des matelas sommaires, enroulés dans des couvertures. Ils se lèvent tels des automates, puis revivent « leur » scène, les vols, viols, violences, tueries et massacres. Quelques chants et musiques font sortir les victimes de leur abattement à travers l’évocation sentimentale d’un frère, d’un ami. Par la fierté aussi de fouler le sol du pays des Droits de l’Homme et de la Révolution, une terre d’asile digne de la scène vivante du tableau de Delacroix, La Liberté guidant le peuple. Hélène Cinque travaille d’une façon plus brute dans l’héritage direct d’Ariane Mnouchkine, mêmes engagements, même esthétique d’un théâtre populaire inscrit dans la cité, au plus près de chacun. Les acteurs investissent pleinement le plateau et jouent du balancement entre comique et tragique. Le spectacle édifiant d’une troupe théâtrale à l’assaut de la vie.

Véronique Hotte

A propos de l'événement

La Ronde de nuit
du mercredi 27 mars 2013 au dimanche 28 avril 2013
Théâtre du Soleil
Cartoucherie 75012 Paris

Du mardi au vendredi à 20h, le samedi à 15h et à 20h, le dimanche à 15h. Tél : 01 43 74 24 08. Spectacle en français et en dari surtitré.
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