La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Ronde

La Ronde - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Vieux-Colombier
La Ronde, un spectacle d’Anne Kessler et de Guy Zilberstein. © Brigitte Enguérand

Critique
Théâtre du Vieux-Colombier / d’après Arthur Schnitzler / mes Anne Kessler

Publié le 22 novembre 2016 - N° 249

La metteure en scène Anne Kessler et le traducteur-adaptateur-scénographe Guy Zilberstein projettent La Ronde d’Arthur Schnitzler dans le Berlin des années 1960. Un processus d’extrapolation temporelle qui tourne à vide.

Ecrite en 1897, imprimée à compte d’auteur en 1900, puis publiée en 1903 par l’éditeur Wiener Verlag, La Ronde fit scandale parmi les mouvements conservateurs et antisémites de l’Autriche (et de l’Allemagne) du début du XXème siècle. Un scandale à la hauteur du succès public que connut la pièce, qui se vendit en quelques mois à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires. Attaqué par ses détracteurs pour pornographie, Arthur Schnitzler (1862-1931) fut accusé de diffamer, à travers son œuvre, l’institution du mariage bourgeois. Les autorités nazies, quelques années plus tard, ciblèrent elles aussi ce texte qui fait se succéder les ébats intimes de dix couples, pour la plupart occasionnels. Un titre de gloire : La Ronde fit partie de œuvres brûlées lors des autodafés hitlériens de 1933. Dans cette pièce, tout commence par la rencontre entre une prostituée et un soldat, avant que celui-ci ne séduise une femme de chambre, qui elle-même est amenée à faire l’amour avec un fils de famille, qui l’oublie dans les bras d’une épouse infidèle, escapade après laquelle cette dernière retrouve son mari au sein du lit conjugal… Cette farandole s’achève par le rendez-vous d’un comte avec la prostituée qui initia cette suite de relations.

De besoins en désirs : la marche de l’humain

La boucle est donc bouclée. Tout semble pouvoir recommencer. Aujourd’hui, sur la scène du Vieux-Colombier, ce n’est pas au début des années 1900 que naissent ces dialogues amoureux, mais au cours des années 1960. Dans cette version très librement revisitée de La Ronde, Anne Kessler et Guy Zilberstein font intervenir un personnage de plasticien. C’est à l’occasion d’une performance de ce Ludwig Höeshdorf (performance élaborée pour tenter de résoudre le mystère de sa naissance, l’artiste ayant été adopté), que se rejouent les dix idylles. Sans doute inspirée par le procédé imaginé, au cinéma, par Max Ophüls (qui signa, en 1950, une adaptation pour grand écran introduisant un rôle de narrateur), cette mise en abyme apparaît ici beaucoup plus maladroite qu’ingénieuse. Coincés dans un système qui réduit les enjeux sociaux, politiques, existentiels de la pièce à une expérience de laboratoire, les onze Comédiens-Français présents sur le plateau semblent dans une impasse. Ils ne trouvent pas le chemin de profondeur qui traverse La Ronde. Une profondeur entre lumière et obscurité, brutalité et apesanteur. La marche de l’humain auxquels ils participent nous laisse indifférents.

 

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

La Ronde
du mercredi 23 novembre 2016 au dimanche 8 janvier 2017
Théâtre du Vieux-Colombier
21 Rue du Vieux Colombier, 75006 Paris, France

Du mercredi au samedi à 20h30, les dimanches à 15h, les mardis à 19h. Durée de la représentation : 2h10. Tél. : 01 44 58 15 15. www.comedie-francaise.fr.

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