La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Pluie d’été

La Pluie d’été - Critique sortie Théâtre Sartrouville Théâtre de Sartrouville et des Yvelines
La Pluie d’été, mise en scène Sylvain Maurice. © Elisabeth Carecchio

CRITIQUE/De Marguerite Duras / adaptation et mes Sylvain Maurice /En tournée.

Publié le 18 décembre 2014 - N° 228

Sylvain Maurice propose une mise en scène joliment rythmée et tout en délicatesse de ce texte marquant de Marguerite Duras, créée à Sartrouville aux côtés de Histoire d’Ernesto. Entre gravité et légèreté, ou plutôt dans une forme de légèreté joyeuse malgré la gravité ! 

C’est le dernier ouvrage de Marguerite Duras, écrit en 1990, reprenant des éléments du film de 1984 Les Enfants et de Ah ! Ernesto, court récit pour les enfants datant de 1971. Et c’est un portrait de famille d’immigrés à Vitry-sur-Seine avec sept enfants dans un deux-pièces chambre et cuisine avec un petit appentis, un portrait entrelaçant tristesse et fantaisie, gravité et légèreté. Un portrait par petites touches, à travers des dialogues écrits dans une langue spécifique, rudimentaire, dont les récurrences sont façonnées par les petites habitudes familiales. La vivacité, la naïveté et l’humour caractérisent les personnages et la langue vraiment singulière, où le trivial côtoie des fulgurances métaphysiques. Le père vient des plaines du Pô, la mère vient de Pologne, née quelque part entre l’Ukraine et l’Oural. Ils sont pauvres et chômeurs. Ernesto, l’aîné des enfants, ne veut plus aller à l’école : « parce qu’à l’école, on m’apprend des choses que je sais pas. » Comme tous ses « brothers and sisters », il ne sait pas lire. Ça n’empêche pas les petits d’aller lire des « alboums » à Prisu.  Ernesto, lui, découvre dans l’appentis un vieux livre brûlé, l’histoire d’un vieux roi juif qu’étrangement il parvient à lire – Marguerite Duras a été marquée par le Livre de l’Ecclésiaste – : « j’ai compris que tout est vanité. Vanité des vanités. Et Poursuite du Vent » lit-il. Traversé par une forme de connaissance instinctive, Ernesto change, et cette nouvelle donne bouleverse les repères et transforme ses proches et son instituteur.

Le sourire demeure

Cette position rebelle, anti-conformiste, voire révolutionnaire (il porte le même nom que le Che !), s’inscrit dans une parabole souriante et surtout pas didactique, où affleurent des thèmes durassiens majeurs : l’amour maternel, l’adieu à l’enfance, la shoah, la défense des exclus… Evitant tout effet appuyé, évitant pathos et emphase, Sylvain Maurice propose une mise en scène pleine de vitalité et tout en délicatesse de la fable, dans un univers non figuratif simple, net et épuré. La mise en scène joliment rythmée, en mouvement comme l’est cette écriture si vive et dynamique, s’inscrit dans une spontanéité où le jeu théâtral se déploie dans toute son efficacité. Catherine Vinatier (vraiment formidable dans le rôle de la mère), Nicolas Cartier (Ernesto), Pierre-Yves Chapalain (le père), Philippe Duclos (l’instituteur), Julie Lesgages et Philippe Smith interprètent  des personnages typés, un brin clownesques mais pas trop, – la difficulté et le tragique ne les ont pas épargnés, et les éprouvent encore durement. Le sourire demeure : cette drôle de proximité entre joie et malheur n’est pas le moindre des charmes de la pièce. Aux réponses toutes faites, au triomphe du savoir académique et du beau langage, la pièce préfère le mystère d’une autre forme de connaissance, l’incertitude, les paradoxes et les contradictions, et aussi la sincérité franche et simple. Et elle préfère les livres, qu’elle célèbre du début à la fin ! Pour sa première création à Sartrouville, Sylvain Maurice a réussi une belle mise en scène.

 

Agnès Santi

A propos de l'événement

La Pluie d’été
du mardi 16 décembre 2014 au mercredi 4 février 2015
Théâtre de Sartrouville et des Yvelines
Place Jacques Brel, 78500 Sartrouville, France

Nouveau Théâtre d’Angers, du 6 au 9 janvier. Théâtre National de Toulouse, du 13 au 17 janvier. Théâtre de Bourg-en-Bresse le 20 janvier. Le Canal-Théâtre intercommunal du Pays de Redon le 23 janvier. La Comédie de Béthune du 28 au 30 janvier. Espace des Arts à Chalon-sur-Saône les 3 et 4 février. Spectacle vu au  Théâtre de Sartrouville et des Yvelines. Durée : 1h35.

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