La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Mer

La Mer - Critique sortie Théâtre Paris Comédie-Française
La Mer, dans la mise en scène d’Alain Françon. © Christophe Raynaud de Lage

Comédie-Française / d’Edward Bond / mes Alain Françon

Publié le 28 mars 2016 - N° 242

Compagnon de longue date d’Edward Bond et de la troupe de la Comédie-Française, Alain Françon met en scène La Mer, pièce ancienne au foisonnement quasi romanesque. Si certaines scènes sont percutantes, l’ensemble manque d’aspérités, parfois corseté par un ancrage social conventionnel.

Initiée par la mise en scène de La Compagnie des hommes en 1992, la féconde relation de travail qu’ont développée Edward Bond et Alain Françon s’est poursuivie jusqu’à cette onzième pièce, La Mer (pièce ancienne écrite en 1972), qui marque l’entrée au répertoire de la Comédie-Française d’un dramaturge régulièrement présent sur les scènes françaises. Une pièce qui n’est ni la plus radicale ni la plus représentative de son œuvre, explorant de façon récurrente l’immense capacité de destruction de l’espèce humaine. De facture classique, en costumes d’époque, La Mer mêle et articule le comique et le tragique, et l’un des enjeux de la mise en scène est de pouvoir révéler à la fois cet entrelacement et une violence sourde et transgressive, de s’aventurer au-delà des apparences et des rouages visibles de cette micro société parfaitement organisée, figée dans une hiérarchie qui feint de croire à son éternité. Nous sommes en 1907, dans une petite ville du Suffolk en bord de mer. Une tempête terrible a emporté la vie du jeune Colin, admiré de tous. Son ami Willy (Jérémy Lopez) a survécu. Cet événement inaugural tragique fissure les normes, et enclenche toutes sortes d’évolutions : surgit la fureur d’un délire paranoïaque (celui du marchand d’étoffes Hatch), et émerge aussi peut-être l’espoir d’un avenir à inventer. Avec une assurance péremptoire, Louise Rafi (Cécile Brune) règne sans partage (et sans joie) sur ce microcosme.

Comique et cruauté

Après la tempête, l’action s’installe dans divers lieux, et divers décors : la boutique de Hatch (Hervé Pierre), un bord de mer infini d’une clarté lumineuse (très belle scénographie de Jacques Gabel), un salon bourgeois transformé en théâtre (le mythe d’Orphée revu et corrigé, avec Madame Rafi qui domine et distribue les rôles), le sommet d’une falaise où seront dispersées les cendres de Colin… Si cette scène de la falaise est une réussite, où le comique et la cruauté s’entremêlent à merveille, d’autres – et en particulier les scènes en intérieur – sont moins incisives et plus conventionnelles, comme si le grotesque était alors corseté par un ancrage social et réaliste trop prégnant. Les scènes – séparées par un temps d’attente, rideau fermé et animé par une projection vidéo – sont donc très inégales, et l’ensemble manque de relief et de tension dramatiques. Compagnon de longue date de la Comédie-Française, Alain Françon met en scène dans cette pièce dix-sept comédiens très talentueux, au jeu honnête voire beaucoup trop uniforme pour certains (y compris Cécile Brune). Laurent Stocker en Evens, ermite alcoolique, est convaincant, et Elsa Lepoivre est très drôle en dame de compagnie de Mme Rafi.

Agnès Santi

A propos de l'événement

La Mer
du samedi 5 mars 2016 au mercredi 15 juin 2016
Comédie-Française
2 Rue de Richelieu, 75001 Paris-1ER-Arrondissement, France

Matinées à 14h, soirées à 20h30. Tél.: 01 44 58 15 15. Calendrier sur www.comedie-francaise.fr Durée : 2h15.

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