La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Marquise d’O…

La Marquise d’O… - Critique sortie Théâtre
Photo : Elisabeth Caracchio Lointains horizons pour une belle lectrice (Cécile Garcia-Fogel)

Publié le 10 novembre 2007

La célèbre nouvelle de Kleist adaptée au cinéma par Rohmer en 1975 trouve sa version scénique grâce à l’élégance de Hemleb, maître d’un romantisme clean, théâtre d’ombres et cinéma muet.

Crissements de calèche sur la rocaille, horizon lointain avec écran, jeux d’ombres et de lumières, intensité d’un coucher de soleil ou magnétisme lunaire sur quelques tombes endormies, un arbre solitaire culmine dans le récit dramatique de Kleist, La Marquise d’O…, réinventé pour la scène par Lukas Hemleb. C’est une narration étrange tissée de circonvolutions entêtées à ne jamais vouloir nommer leur objet et dont l’écho gagne en profondeur du côté de la sensibilité, de l’exaltation et de la rêverie. L’écriture mélancolique de Kleist relève d’un tempo à l’allure vive, à la fois emportée et contrôlée, à la manière d’une chevauchée fantastique de rêve éveillé. À l’intérieur du château, un sol carrelé blanc et noir de jeu d’échecs accueille l’aventure inouïe qui est échue à la Marquise. Fin du dix-huitième italien, la Marquise d’O…, fille d’un gouverneur de citadelle que les Russes assiègent, est sur le point d’être victime des derniers outrages infligés par de grossiers soldats. Par un heureux hasard, la voilà sauvée de ces brigands par la vélocité d’un Comte déterminé à la protéger plus ardemment encore qu’il ne le faudrait.

Devine-t-elle le diable ou bien le démon derrière l’ange gardien ?

Tandis que la jeune veuve et mère perd connaissance, le héros militaire la viole. La Marquise s’éveille et, n’imaginant pas l’acte auquel elle s’est abandonnée considère son sauveur comme un ange. Bientôt, son état « intéressant » autant qu’inattendu ne cesse d’intriguer : « Etait-il possible de concevoir à son insu ? » Devenue une misérable dès l’apparition de ses nausées, la Marquise est bannie par son bourgeois de père : « Je te prierai très volontiers de ne pas faire tes couches dans ma maison. » Parallèlement, le Comte tient à réparer officiellement son crime officieux en faisant une demande de mariage précipitée. Mais l’innocente Marquise diffère son accord : « Il me plaît et me déplaît… » Devine-t-elle le diable ou bien le démon derrière l’ange gardien ? Et la dame, à la différence des hommes à l’esprit médiocre, est autonome et responsable. Elle décide de ne s’en remettre qu’à sa conscience intime, « révélée à elle-même par ce bel acte d’énergie, elle se redressa, comme tirée par sa propre main, du fond de ce précipice où le destin l’avait précipitée… » La Marquise (brune et romantique Cécile Garcia-Fogel), aspirant à un infini plutôt concret, donne son consentement… ou pas. Avec Brontis Jodorowsky, Francis Bergé, Simon Eine, Lucas Anglarès et le pianiste Stéphanos Thomopoulos. Le spectacle parle à l’âme autant qu’aux yeux.

Véronique Hotte


La Marquise d’O…
D’après Heinrich von Kleist, traduction Dominique Miermont, mise en scène de Lukas Hemleb, du mercredi au samedi 20h30, mardi 19h30, dimanche 16h, du 21 novembre au 16 décembre 2007 Théâtre Gérard Philipe, 59 bd Jules Guesde 93200 – Saint-Denis Tél : 01 48 13 70 00

Spectacle vu à la MCA d’Amiens.

A propos de l'événement


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