La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Légende de Bornéo

La Légende de Bornéo - Critique sortie Théâtre
Légende : Simon Bakhouche bénéficie de l’Avantage du doute. Crédit photo : Pierre Grosbois

Publié le 10 mai 2012 - N° 198

Au revoir compagnie, adieu troupe, le collectif est aujourd’hui en vogue et l’on ne peut que s’en réjouir. Au-delà du glissement sémantique, c’est en effet toute une manière de faire du théâtre qui tente de se réinventer, comme en témoigne La Légende de Bornéo du Collectif L’Avantage du doute.

Véritable signe des temps, ce collectif-là est né d’un autre – d’une rencontre sous les auspices du belge TGStan – et il réunit cinq comédiens parmi lesquels deux travaillent également avec le collectif Les Possédés. L’Avantage du doute avait signé l’année dernière un Tout ce qui nous reste de la révolution, c’est Simon (également à l’affiche à la Commune du 9 au 16 mai)qui mettait en place les principes repris ici : registre à cheval entre le politique et l’intime, spectacle coécrit en collectif, simplicité, proximité, peu d’artifices de jeu, on s’appelle par son prénom à la ville, le personnage s’efface donc au profit du comédien, le quatrième mur se fissure et, de fait, on inscrit l’univers du plateau dans une grande proximité avec le réel. Figure tutélaire du collectif emblématiquement décalée – le précédent spectacle fait directement allusion à son âge et son nom -, le drôlissime Simon Bakhouche prend donc cette fois le rôle de l’aîné au bord de la retraite, qui cachetonne tant bien que mal pour atteindre son taux plein. Dès le départ, il annonce donc qu’il ne sera plus question de révolution ici (quoi que…) mais des nouveaux rapports au travail. S’ensuivent des saynètes qui virent un peu au sketch au début, mais qui petit à petit trament la texture émouvante d’un intelligent spectacle.

Les orangs-outans savent parler mais s’en cachent

Le collectif fonctionne par propositions disparates, que chacun apporte et défend tout au long du processus de création, et qui ne doivent pas s’effacer ou se lisser au nom de la recherche du consensus. Une addition de singularités donc, débarrassées du metteur en scène, c’est bien ce qui transparaît dans le travail de ce collectif, qui, tout en l’auscultant, véhicule implicitement un nouveau rapport au travail. La Légende de Bornéo – c’est expliqué dans le spectacle – s’intitule ainsi en raison d’une légende qui prétend que les orangs-outans savent parler mais s’en cachent afin qu’on ne les fasse pas travailler. Il s’agit bien sûr d’exercer un œil critique sur le travail, dans des optiques pas forcément révolutionnaires – le couple qui s’analyse comme de nos jours on décortique et évalue toutes les performances dans les entreprises ; l’absurde parcours de combattant auquel conduit Pole Emploi ; la scène de famille où explosent les non-dits – mais souvent drôles. Mieux encore, même si les saynètes fonctionnent inégalement et donnent une impression de décousu, le sentiment grandit petit à petit, dans cette humanité qu’offrent la simplicité et la proximité, que tout irait peut-être mieux si le monde du travail s’inspirait de ce théâtre qui se dépouille d’effets et dans un esprit festif célèbre la force conjuguée des imaginaires.

Eric Demey


La Légende de Bornéo par L’Avantage du doute. Du 30 mai au 8 juin à 21h, dimanche à 16h30, relâche le lundi. Théâtre de la Commune, 2 rue Edouard Poisson à Aubervilliers. Tél : 01 48 33 16 16.

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