La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

La fureur de vivre

La fureur de vivre - Critique sortie Théâtre Nogent-sur-Marne La Scène Watteau
Sterenn Guirriec

Racine / mise en scène Sterenn Guirriec

Publié le 21 décembre 2015 - N° 239

Phèdre aime Hyppolite et cet amour coupable la précipite vers la mort. Car elle est épouse de Thésée, car il est son beau-fils. Car elle ne peut taire la passion qui la consume et la condamne. La tragédie de Racine porte à l’incandescence la violence des désirs et le désordre des sens. A rebours d’une vision fataliste, l’actrice et metteuse en scène Sterenn Guirriec montre la fureur de vivre et la complexité des êtres aux prises avec leurs douleurs intimes.

Dans Faux-pas, le philosophe Maurice Blanchot notait à propos de Phèdre : « ce qui la conduit à la perdition, ce n’est pas seulement la fureur du désir, c’est aussi son rêve de candeur. ». Est-ce là sa tragédie ?

Sterenn Guirriec : Phèdre ne sait pas qu’elle court à sa perte. Le tragique est inscrit dans l’alexandrin même de Racine, qui suit implacablement sa course : suspens à l’hémistiche et à la rime, passage à la ligne. Les sentiments violents et les douleurs intimes sont pris dans cet étau. Dans la rythmique du vers résonne la chamade des battements de cœur, qui parfois raconte une autre histoire que celle des mots dits. La vie palpite sous le fer du sort, elle se révèle dans cette contradiction entre la parole et le ressenti, entre le désir et le dit. Elle surgit dans le rire.

Dans votre note d’intention, vous évoquez le rire « qui advient au sein de la tragédie comme une morsure ». C’est-à-dire ?

S.G. : Le rire tonne comme un acte de résistance, comme une révolte face au destin inexorable. Ces êtres condamnés sont au moins libres d’avancer vers l’inévitable catastrophe en déployant toute leur fureur de vivre. C’est leur façon de rester des sujets, acteurs de leur histoire et non pas seulement des victimes du fatum, contemplateurs de la fatalité qui joue avec leurs existences. On entrevoit alors l’instant où tout aurait pu être autrement.

Comment l’acteur trouve-t-il sa liberté dans l’étau de l’alexandrin ?

S.G. : En travaillant le rythme et le jeu du sens, en creusant les silences, pour discerner les zones de mensonges, les glissages vers l’inconscient, les transferts… Tout ce qui se niche entre les mots. Offrons de la complexité et de la contradiction aux personnages et non pas seulement de la soumission au fatum !

Entretien réalisé par Gwénola David

A propos de l'événement

La fureur de vivre
du jeudi 28 mars 2024 au jeudi 4 février 2016
La Scène Watteau
Place du Théatre, 94130 Nogent-sur-Marne, France

à 20h30, relâche le dimanche 31 janvier. Tél. : 01 48 72 94 94.

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