La face cachée de la lune

Voilà un spectacle qui a été créé il y a 17 ans et a depuis parcouru toute la surface de la Terre, dans un succès jamais démenti. Quoi de plus normal pour une pièce qui s’adresse à son seul satellite, et plus particulièrement à sa face cachée, qui fut longtemps l’objet de bien des fantasmes. La Lune a perdu bien de sa poésie depuis la conquête spatiale et la lutte acharnée à laquelle se livrèrent les puissances américaines et soviétiques pour s’assurer le leadership spatial. Par ce spectacle, Robert Lepage tâche de la lui rendre.

Un ascenseur pour l’espace

A l’histoire spatiale, scientifique et politique des années 1970, Robert Lepage noue en effet un récit intime inspiré de son roman familial. Une mère meurt, et deux frères se retrouvent seuls. Leurs personnalités et leurs parcours les opposent mais la perte de l’astre qui les reliait les oblige au rapprochement. Un parallèle avec la rivalité des frères ennemis russes et américains, dans ce contexte d’une époque où l’Homme cherche à s’approprier l’Univers qui l’entoure. Entre le voyage d’un cosmonaute soviétique, le projet délirant d’un ascenseur pour l’espace et les messages adressés à d’éventuels extra-terrestres se joue en fait l’éternelle détresse de l’homme seul, pascalien, perdu face à l’immensité de l’univers. Un voyage au cœur de l’existence et de l’enfance qui, comme d’habitude avec Robert Lepage et les artistes de la compagnie Ex Machina, se conjugue avec une installation vidéo hors pair (Lepage a même adapté sa pièce au cinéma en 2013). Avec Yves Jacques pour interpréter et accomplir le voyage sur la scène.

Eric Demey