La Terrasse

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Classique / Opéra - Critique

Katia Kabanova, dans l’intimité du drame

Katia Kabanova, dans l’intimité du drame - Critique sortie Classique / Opéra
Crédit Richard Schroeder Légende : Les sopranos Céline Laly et Kelly Hodson dans la Katia Kabanova terriblement humaine d'André Engel aux Bouffes du Nord.

Publié le 10 février 2012 - N° 195

Jouant à fond la carte de l’intimité, cette production de l’opéra de Janacek mise en scène par André Engel est une réussite tant vocale que théâtrale.

Prolongement d’un travail mené en 2010 à l’Abbaye de Royaumont, cette production de Katia Kabanova renouvelle et dépoussière le regard porté sur l’opéra. Dans le cadre étroit du Théâtre des Bouffes du Nord – mais qu’il utilise dans sa profondeur, jusqu’au fond du plateau – André Engel et son scénographe Nicky Rieti construisent un espace scénique idéal, toujours offert à la vue des spectateurs. La proximité que permet le théâtre est ici utilisée à plein, rendant saisissable la moindre expression des personnages. Car c’est d’abord du théâtre que fait André Engel, un théâtre à hauteur d’hommes qui se fixe pour horizon le destin de ces héros – ou tyrans – quotidiens, ne s’évadant qu’en rêve (le songe de Katia, sobre théâtre dans le théâtre, est une magnifique épure).

Une expression souvent hors des mots

Les solistes, pour la plupart de jeunes chanteurs, se montrent exceptionnels. La Canadienne Kelly Hobson est parfaite dans le rôle-titre, jouant une Katia qui se heurte aux parois de verre d’une vie misérable sitôt que se réveillent ses désirs de liberté. Le rôle de Varvara, pendant joyeux et encore insouciant de Katia dont elle est la confidente, prend avec la jeune Céline Laly une épaisseur rarement soupçonnée. Et José Canales donne la profondeur du martyre au personnage de Tichon, le mari de Katia. Étouffé, comme paralysé par l’emprise de sa propre mère sur son couple et sur sa vie, il exprime le plus souvent hors des mots la souffrance que lui inspire le sort de sa femme aimante. Le travail sur la langue tchèque mené par Irène Kudela aboutit à un résultat vocal d’un incroyable naturel, les chanteurs n’ayant en outre jamais à forcer pour se faire entendre. En effet, l’orchestre de Janacek est ici réduit au seul piano de l’impeccable Nicolas Chesneau, placé au devant de la scène, côté jardin. Si l’art du compositeur y perd un peu de ses sortilèges, l’expérience pour autant est passionnante : en estompant les couleurs, cette version chambriste souligne l’étrangeté de cette musique, qui paraît si simple avec ses notes répétées mais se révèle rythmiquement merveilleusement inventive.

Jean-Guillaume Lebrun


Katia Kabanova de Janacek, mise en scène André Engel. Mardi 17 janvier 2012 aux Bouffes du Nord. Représentations jusqu’au 4 février. Tél. 01 46 07 34 50. Places : 18 à 28 €.

A propos de l'événement


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