La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Juste la fin du monde

Juste la fin du monde - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de Belleville
Le metteur en scène Bertrand Marcos Crédit : Christine Ledroit-Perrin

Théâtre de Belleville / de Jean-Luc Lagarce / mes Bertrand Marcos

Publié le 28 décembre 2016 - N° 250

Après des textes d’Eduardo Pavlovsky et Marguerite Duras, le jeune metteur en scène Bertrand Marcos crée Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce. Avec pour ambition de donner corps au théâtre de l’urgence que révèle cette « grande tragédie moderne ».

Il y a, en somme, deux manières d’aborder l’écriture de Jean-Luc Lagarce : l’appréhender par la langue ou bien par la psychologie des personnages et des situations. De quel côté vous situez-vous ?

Bertrand Marcos : Sans hésiter du côté de la langue. Ce que j’ai envie de défendre à tout prix, ce sont les auteurs qui, à l’intérieur de la langue qu’ils utilisent, inventent une langue qui leur est propre. C’est le cas de Marguerite Duras, dont je viens de mettre en scène Agatha (ndlr, en novembre dernier, à L’Auguste Théâtre), c’est aussi le cas de Jean-Luc Lagarce. Et c’est d’ailleurs sans doute cet intérêt-là qui fait que je suis un amoureux de Racine. Ensuite, ce qui est pour moi important, c’est d’aborder ce désir de servir une langue d’une manière tout à fait organique, tout à fait physique.

Ce qui veut dire échapper à l’exercice de style littéraire ?

B. M. : Oui. Ce que je trouve passionnant chez un auteur comme Lagarce, c’est que malgré le fait qu’il invente une langue, il a toujours écrit pour le théâtre, pour que ses mots soient incarnés, pour qu’ils soient concrètement adressés, dans un présent, par des acteurs.

Qu’est-ce qui vous a orienté vers cette pièce de Jean-Luc Lagarce plutôt que vers une autre ?

B. M. : C’est une question que je me suis longtemps posé ! J’ai beaucoup relu Derniers remords avant l’oubli, qui est une pièce également formidable, mais qui m’attirait un peu moins.

« En plus d’inventer une langue, Jean-Luc Lagarce invente un nouveau réel. »

Ce que je trouve extraordinaire dans Juste la fin du monde, c’est qu’au-delà d’une situation qui peut paraître quotidienne – quelqu’un qui revient dans sa famille, même si c’est pour annoncer qu’il va mourir – Jean-Luc Lagarce parvient à inventer quelque chose de totalement décalé, quelque chose qui n’appartient pas au naturalisme. En plus d’inventer une langue, il invente un nouveau réel. Je crois que Juste la fin du monde est la pièce avec laquelle il allie le plus magistralement quelque chose de concret, de très accessible pour le spectateur, et une rêverie, un décalage qui rejoint presque, à certains moments, une forme d’absurde.

Pour donner corps à cette double dimension, comment avez-vous travaillé avec vos acteurs ?

B. M. : La chose principale a été de rendre compte d’un théâtre de l’urgence. Pour cela, j’ai cherché à faire sentir aux acteurs à quel point les personnages – qui représentent pour moi les figures d’une grande tragédie moderne – sont pris dans une urgence de dire. J’ai cherché à les guider sur les chemins d’un théâtre profondément physique et engagé. Un théâtre qui cherche sans cesse à dire le plus possible, même si on a l’impression que l’essentiel, l’amour qui lie les membres de cette famille, est en sommeil, qu’il ne sera jamais vraiment formulé.

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Juste la fin du monde
du mardi 24 janvier 2017 au samedi 4 février 2017
Théâtre de Belleville
94 Rue du Faubourg du Temple, 75011 Paris, France

Du mardi au samedi à 21h15. Durée du spectacle : 1h30. Tél. : 01 48 06 72 34. www.theatredebelleville.com

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