La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Journal d’une apparition

Journal d’une apparition - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre national de Chaillot
Gabriel Dufay Crédit photo : Vladimir Vatsev

Entretien / Gabriel Dufay

Publié le 28 août 2015 - N° 235

Chaque nuit le fantôme rôde à l’ombre de ses rêves et berce ses maux d’amour. Cette « mystérieuse » a les traits d’Yvonne George, chanteuse de cabaret que Robert Desnos aime désespérément et qu’il retrouve en visions. Acteur, metteur en scène, Gabriel Dufay a puisé dans le Journal d’une apparition et dans les recueils A la Mystérieuse et Les Ténèbres de Desnos pour dire l’amour fou et révéler les paysages intérieurs du « poète des songes ».

« J’ai tant rêvé de toi que tu perds de ta réalité » écrit Desnos à propos d’Yvonne. Comment sa poésie transfigure-t-elle le réel ?

Gabriel Dufay : Adepte des sommeils hypnotiques, Desnos se décrit comme « un dormeur debout, un rêveur éveillé, ligoté par les liens du rêve et qui ne peut plus agir dans la vie qu’au risque, éveillé lui-même, de n’avoir plus autour de lui que des somnambules, des aveugles, des muets. » Pour lui, l’écriture est un vecteur de transfiguration du réel, un appel à la joie, au merveilleux. Il éprouve pour Yvonne George un amour sans retour, qui trouve sa réalité par les mots : il écrit et fait advenir l’invisible. Après la mort d’Yvonne, il tombe amoureux de Youki Foujita. L’amour idéalisé devient vécu. Le rêve et le réel finissent par se rencontrer. Le théâtre surgit sur cette crête ténue, fragile, entre songe et réalité. S’y promènent les fantômes des personnages, des acteurs, les ombres cachées entre les mots…

« L’écriture est un vecteur de transfiguration du réel, un appel à la joie, au merveilleux. »

Comment avez-vous conçu l’adaptation ?

G. D. : J’ai tricoté des extraits du Journal, chronique du quotidien tout à la fois cocasse et tragique, des poèmes et des correspondances avec Yvonne puis Youki. Voyages oniriques, confidences incantatoires, colères brusques, envolées incandescentes, considérations prosaïques se répondent. Les textes de Desnos dialoguent les uns avec les autres, d’une époque à l’autre. Ainsi se tisse un récit où la poésie vient provoquer des courts-circuits dans le réel. La fulgurance de l’amour laisse aussi affleurer la solitude, poignante.

Comment, par la mise en scène, faire advenir l’invisible ?

G. D. : La mise en scène cherche la diversité des sensations et des points de vue. La comédienne Pauline Masson évoque plus qu’elle incarne la « mystérieuse ». La musique, jouée en scène par Antoine Bataille, prolonge l’onde du poème. L’invisible se déploie dans les objets du quotidien : un lit devient bateau, un oreiller un globe, des draps la mer… Le réel se fendille et ces fissures ouvrent sur des paysages merveilleux : le théâtre fait surgir un monde d’un rien. C’est là sa magie toute puissante.

Entretien réalisé par Gwénola David

 

A propos de l'événement

Journal d’une apparition
du vendredi 2 octobre 2015 au samedi 17 octobre 2015
Théâtre national de Chaillot
Place du Trocadéro et du 11 Novembre, 75016 Paris, France

horaires variables, relâche dimanche. Tél. : 01 53 65 30 00.

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