La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Danse - Entretien / Marie Chouinard

Jérôme Bosch : Le Jardin des Délices

Jérôme Bosch : Le Jardin des Délices - Critique sortie Danse Vitry-sur-Seine Théâtre Jean-Vilar de Vitry-sur-Seine
Crédit : Sylvie-Ann Paré Légende : Marie Chouinard

Biennale de Danse du Val-de-Marne / Chor. Marie Chouinard

Publié le 23 janvier 2017 - N° 251

La chorégraphe québécoise ouvre la Biennale de Danse du Val-de-Marne en revisitant Le Jardin des Délices, œuvre emblématique du peintre Jérôme Bosch (1450-1516), dans une création pour dix danseurs.

Comment vous est venue l’idée de créer une pièce sur ce chef-d’œuvre de Jérôme Bosch ?

Marie Chouinard : Je connais les tableaux de Jérôme Bosch depuis l’adolescence, mais c’est à l’occasion du 500e anniversaire de sa mort dans sa ville natale, à Bois-le-Duc, (en néerlandais s’Hertogenbosch), que la Fondation Jérôme Bosch 500 m’a demandé de créer une œuvre autour du Jardin des Délices. Je n’y aurais pas pensé moi-même, mais ça s’est imposé comme une évidence.

Est-il impressionnant pour un artiste de mettre ses pas dans ceux d’une telle œuvre ?

M. C. : Oui, bien sûr. Généralement la chorégraphie est inspirée par une musique. Là, c’est une œuvre picturale en trois panneaux. J’ai donc conçu une pièce en trois actes ou tableaux. Je pouvais soit coller au sujet, soit m’en détacher et le prendre comme toile de fond. Mais devant un tel génie, il fallait s’incliner. Je me suis amoureusement collée à Bosch. C’est un grand homme, d’une intelligence, d’une humanité, d’une compassion extraordinaires, et qui fait preuve de beaucoup d’humour. J’ai voulu suivre son œuvre, mais à ma manière. Je n’ai pas essayé de recréer ses monstres, ou autres spécificités, je suis juste allée chercher l’être humain dans ses toiles. Il m’a facilité la tâche en me donnant trois tableaux radicalement différents. Ils m’ont permis de voyager dans trois univers discordants mais reliés les uns aux autres. Cette création a été un bonheur.

« Je me suis amoureusement collée à Bosch. »

Comment avez-vous travaillé ?

M. C. : Nous avions une énorme reproduction accrochée dans le studio. Pendant des mois nous avons travaillé en la regardant. Ce que je trouve fascinant, c’est que je découvre encore des personnages, des petites choses que je n’avais pas vues lors de la création. Les danseurs aussi. C’est fantastique.

Le triptyque vous a-t-il inspiré dans votre gestuelle ?

M. C. : Il y a des gestes, des positions de main, de tête, et en regardant attentivement, on trouve des moments de danse, très simples, très frais. Chorégraphiquement, je suis partie de ces positions, en me demandant quel pourrait être le mouvement suivant le plus proche. J’ai travaillé en cherchant à rester au plus près de ses gestes.

Est-ce que l’aspect sacré ou religieux du triptyque est entré dans votre recherche ?

M. C. : Je crois que Bosch était beaucoup plus libre que ça. Il était très perspicace et s’intéressait avant tout à la condition humaine, avec beaucoup d’amour. Le troisième volet du triptyque s’intitule « L’Enfer ». Personnellement, j’ai toujours trouvé que ce n’était pas l’enfer mais notre vie de tous les jours, le monde dans lequel nous vivons, notre quotidien. Au fond qu’est-il arrivé après qu’Eve croque la pomme ? La famine, la guerre, les horreurs, les tueries, les massacres, les tortures. L’autre tableau est donc pour moi : que serait-il arrivé si Eve n’avait pas croqué la pomme ? Dans le paradis terrestre, on se serait reproduit, reproduit et on aurait continué à vivre comme ça. Certains pensent que le tableau central est un exposé orgiaque de tous les plaisirs interdits. Mais non, c’est tout ce qu’on ferait au Paradis si on y vivait encore ! Les gens ont des visages tendres, reposés, ils mangent des fruits. Tout est fait avec un sourire, un délice extraordinaire. C’est délicat. Il y a des gens qui volent, des sirènes… Et dans le tableau de l’Enfer, il y a ce visage immense qui nous regarde. On prétend que ce serait un autoportrait, que Bosch se serait mis en plein milieu de l’Enfer à regarder la vie défiler, avec son œil de sage et son petit sourire…

 

Propos recueillis par Agnès Izrine

A propos de l'événement

Biennale de Danse du Val-de-Marne
du mercredi 1 mars 2017 au jeudi 2 mars 2017
Théâtre Jean-Vilar de Vitry-sur-Seine
1 Place Jean Vilar, 94400 Vitry-sur-Seine, France

Tél. : 01 55 53 10 70. Les 1er et 2 mars à 20h. Durée 75 minutes.

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