La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Jean-Louis Martinelli

Jean-Louis Martinelli - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Hannah Assouline Légende photo : Jean-Louis Martinelli

Publié le 10 septembre 2011 - N° 189

Le politique au cœur de l’intime

En 2006, cinq ans avant « la révolution de février », l’écrivain égyptien Alaa El Eswany publiait Chicago, roman qui entremêle des histoires de couples en exil aux Etats-Unis et la dénonciation du régime despotique du président Moubarak, imaginant que le vent de révolte commence à souffler parmi son peuple. Jean-Louis Martinelli porte aujourd’hui à la scène ce texte prémonitoire.

Comment l’intime et le politique se mêlent-ils ?
Jean-Louis Martinelli : La situation politique et sociale sert de cadre pour poser la question humaine. Dans Chicago, deux mondes se font face : l’Egypte et les Etats-Unis, dans un difficile dialogue amoureux porté par des hommes et femmes en exil. A travers les destins individuels et les couples qui tentent de se construire, Alaa El Eswany dessine une fresque de tous les exilés du monde, s’interroge sur l’autre, sur l’engagement, sur la tension entre l’individualisme et l’appartenance à un pays. Il tisse un jeu de miroir entre l’Occident et le Moyen-Orient, où se révèlent les collusions entre gouvernements au-delà des oppositions et protestations de façade. Les discussions et manœuvres politiques montrent aussi l’utilisation du fait religieux par les dictatures.
 
« L’espace du désir est miné par la politique, les rapports de classe, les préjugés, les fantasmes. »
 
Les relations amoureuses impliquent un certain mode d’engagement du corps et trahissent, au-delà des discours, la conception du rapport à l’autre.
J.-L. M. : La pièce ne propose pas une thèse sur les affrontements entre l’Occident et le Moyen-Orient. Pourtant, tous les enjeux affleurent en filigrane. L’écriture dégage une grande sensualité, mais l’espace du désir est miné par la politique, les rapports de classe, les préjugés, les fantasmes… Le théâtre n’est pas une tribune, c’est un espace pour montrer un monde qui nous parle du nôtre, de notre condition d’humain.
 
Quelles ont été les lignes de travail pour l’adaptation théâtrale ?
J.-L. M. : J’ai procédé à une sélection en suivant le tracé de l’étrave du roman et essayé de préserver la sensation que procure la lecture : lorsqu’on lit, notre présent interfère un peu dans la fiction, les personnages sont toujours là dans les marges de la page, les bruits alentour se mêlent au récit.
 
Le texte passe sans cesse du récit à l’incarnation, du « il » au « je ». Comment appréhendez-vous cette distanciation sur le plateau ?
J.-L. M. : La présence du « il » permet de ne pas évincer le narrateur. Le roman, en tant que matière de la fiction, est au centre du plateau, qui se présente comme une grande salle de répétition. Les acteurs restent en permanence sur scène, passent du degré zéro de fictionnalité, du corps du personnage en devenir à l’incarnation totale, sous le regard des autres, plus ou moins contaminés par le récit. En ce sens, c’est un théâtre de la désillusion tout en étant très jouissif.
 
Entretien réalisé par Gwénola David


J’aurais voulu être égyptien, de Alaa El Eswany, adaptation et mise en scène de Jean-Louis Martinelli. Du 16 septembre au 21 octobre 2011, à 20h30, sauf dimanche 15h30, relâche lundi. Théâtre Nanterre-Amandiers, 7 avenue Pablo Picasso, 92022 Nanterre. Tél. : 01 46 14 70 00.

A propos de l'événement


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