La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Jean La Chance

Jean La Chance - Critique sortie Théâtre Marseille Théâtre Toursky
Crédit : Vincent Arbelet Légende : Une parabole dramatique moins naïve qu’il n’y paraît.

Théâtre de Dijon-Bourgogne / de Bertolt Brecht/ mes Jean-Louis Hourdin

Publié le 18 décembre 2012 - N° 205

Les onze tableaux qui composent ce road movie brechtien, orchestrés par Jean-Louis Hourdin, prennent la forme d’une fête de l’essentiel dénuement existentiel.

Jean La Chance est-il bien nommé ? Ecrite en 1919, dans une période d’intense créativité par un Bertolt Brecht qui n’a alors qu’une vingtaine d’années, cette tragi-comédie mal connue, inachevée, est regardée comme « une espèce de laboratoire pour les grandes pièces en gestation à la même époque ». Puisant à la source populaire,  celle d’un conte des Frères Grimm « Hans Im Glück », l’auteur est alors mu par la volonté d’échapper au merveilleux comme au tragique pour ouvrir une nouvelle voie dramaturgique. A partir du héros fabuleux, paysan roué qui tire profit des situations et actualise son bonheur, Brecht fait de son Jean La Chance un anti-héros dramatique, figure farceuse de cette béatitude prophétisée sur le Mont des Oliviers « Heureux les simples d’esprit ». De la fable à la farce, l’auteur prend ses distances. Jean, le simplet, n’échange plus seulement des biens matériels mais sa femme contre une ferme, sa ferme contre une charrette, sa charrette contre un manège, son manège contre une oie, son oie contre …  Est-il un veinard ou non ?

Un homme fait de tous les hommes

La mise en scène de Jean-Louis Hourdin regarde avec une fraîcheur juvénile la naïveté du personnage brechtien. En Jean, il voit une figure sacrificielle, écologique au sens fort et porteuse de tous les espoirs, forme de contrepoids au cynisme d’un monde mercantilisé, réponse personnifiée à notre époque consumériste. Du chemin de croix, le voyage existentiel de Jean n’a que les apparences, apparences dont il se défait et qu’il défait : « Un écorché sur le billard, mais trouble extrême, Jean n’est pas fâché. Jean ne se révolte pas. Jean n’accuse personne. Il en devient plus léger, éternellement ravi, se fondant dans le ciel, la nature et l’espace, perpétuellement émerveillé d’être. Comment ne pas en être frères ? » demande le chef de troupe. La farce campagnarde est rendue à ses faux airs dans ce décor squelettique, comiquement figuratif. La scène enroulée en escargot par de ronds paravents émousse ses angles pour mieux signifier la circularité de l’action narrée, prise dans la mécanique de l’éternel retour du même. Ponctuée par de fanfarons intermèdes musicaux, les onze tableaux qui composent ce road movie brechtien, prennent la forme d’une fête de l’essentiel dénuement existentiel. Au diapason, les dix comédiens habillés comme tous les jours, dépouillés de tout attrait superfétatoire, sont touchants. Aux yeux de Jean-Louis Hourdin, Jean La Chance est « cet homme fait de tous les hommes et qui les vaut tous et qui vaut n’importe qui ».

Marie-Emmanuelle Galfré 

A propos de l'événement

Jean La Chance
du mardi 21 février 2012 au mercredi 22 février 2012
Théâtre Toursky
16 Promenade Léo Ferré, 13003 Marseille

Les 21 et 22 Février 2013. Téléphone :04 91 02 58 35
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