La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Jean-Claude Fall / Ivresse(s)

Jean-Claude Fall / Ivresse(s) - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Tempête
Le metteur en scène Jean-Claude Fall Crédit : DR

Théâtre de la Tempête / textes de Falk Richter (Ivresse, Protect me et Play loud) / mes Jean-Claude Fall

Publié le 24 octobre 2017 - N° 259

Le capitalisme, système en crise qui jouit de la crise, vit en chacun de nous et à tout instant. Jean-Claude Fall met en scène le diagnostic posé par Falk Richter et envisage la manière de changer de monde.

Accroche : « Le spectacle est libre de toute contrainte. »

Quel est le thème de ce spectacle ?

Jean-Claude Fall : Ce spectacle parle de cette situation absolument ligotée dans laquelle nous nous trouvons. Détruire le système de la spéculation financière impliquerait de détruire un peu de nous-mêmes, puisque nous sommes agis par lui. On peut vivre sans s’en rendre compte, mais une fois qu’on le dit, on ne peut que le voir. Toute relation interindividuelle est devenue porteuse de la question de son intérêt potentiel : non pas celui qu’elle peut avoir mais celui qu’elle rapporte. Nous sommes prisonniers de la stratégie de gain et de l’angoisse de la perte. Nous fonctionnons avec un modèle économique dans la tête, que Richter envisage comme une forme de fascisme. Cette domination idéologique est telle qu’on peut la considérer comme un totalitarisme. L’entreprenariat étant considéré comme un objectif premier et ultime, il y a ceux qui font et ceux qui ne sont rien. Pour s’en sortir, il faut nous arracher à nous-mêmes. Le spectacle raconte cela : comment le moindre de nos actes est imbibé de cette idéologie.

Comment transcrire cette analyse théâtralement ?

J.-C. F. : Il s’agit d’éviter la contradiction d’être dans ce que l’on dénonce, alors qu’on est soi-même dans un processus économique qui induit l’inféodation au système. Pour rendre cet évitement palpable, le spectacle n’utilise aucun appareillage du théâtre. Le décor ne coûte que quelques euros et les seuls moyens mis en œuvre sont les moyens humains : les acteurs et les techniciens qui sont aussi acteurs. Le matériel se réduit à des téléphones portables, utilisés comme torches électriques, caméras et micros. Le spectacle est libre de toute contrainte, y compris dans sa dimension narrative.

Comment ?

J.-C. F. : Cette prégnance idéologique ne peut se dire que par le moyen de plusieurs petites histoires. Un auteur raconte son incapacité à parler d’autre chose que de ce système dans lequel il est pris et qui contamine ses relations professionnelles, amicales, amoureuses et sexuelles. Plutôt qu’une histoire, c’est une série de petits flashs. Mais contrairement aux autres pièces de Richter, celle-là se termine positivement. Les personnages se retrouvent dans une sorte de campement, comparable à ceux de ces mouvements qui se glissent dans des espaces interstitiels. Ce système ne pourra pas être détruit par un parti, un syndicat, ou une idéologie de remplacement, mais plutôt par des coins qu’on y plante et qui créent des fragmentations. C’est dans ces interstices qu’on peut créer de la résistance à ce capitalisme prédateur de l’humanité. Notre spectacle essaie de se situer lui-même dans ce genre de situation interstitielle permettant de résister.

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

Jean-Claude Fall / Ivresse(s)
du vendredi 17 novembre 2017 au dimanche 17 décembre 2017
Théâtre de la Tempête
Route du Champ de Manoeuvre, 75012 Paris, France

Du mardi au samedi à 20h30 ; le dimanche à 16h30. Supplémentaire le 18 novembre à 17h. Tél. : 01 43 28 36 36.

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