La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Ivresse(s)

Ivresse(s) - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Tempête
Scène d’ouverture d’Ivresse(s), spectacle mis en scène par Jean-Claude Fall. Crédit : Marc Ginot

Théâtre de la Tempête / textes de Falk Richter (Ivresse, Protect me et Play loud) / mes Jean-Claude Fall

Publié le 19 novembre 2017 - N° 259

Le capitalisme crée la crise, en jouit et prospère grâce à elle. Jean-Claude Fall lutte contre ses effets avec un spectacle en forme d’antidote efficace, remarquablement dosé et administré !

Soumise à l’empire des passions tristes, des faux amis, de la pseudo-gloire et des vagissements plaintifs, la société occidentale contemporaine est d’un ennui terrifiant. On travaille trop, on aime mal, on réclame de l’autre ce qu’il ne peut pas donner, les parents se prennent pour les amis de leurs enfants ou les transforment en confidents de leurs indécentes forfaitures amoureuses… Cap au pire ! Le théâtre des affects règne en maître et les atermoiements narcissiques des privilégiés obèses sont misérables et risibles. Comment mettre en critique un tel système et y résister ? Comment refonder un véritable humanisme sur les ruines des solidarités défuntes ? D’aucuns s’y emploient en choisissant la réaction, la déploration millénariste ou le cynisme aristocratique. Jean-Claude Fall propose beaucoup plus intelligent, beaucoup plus sain et beaucoup plus efficace que cela ! Puisque la société est devenue théâtrale et que chacun choisit la médiation des écrans pour mettre en scène son quotidien sordide, le metteur en scène préfère la mithridatisation comme remède, et lutte contre le mal par le mal.

Art en résistance

Les comédiens entrent sur scène dans une tenue et une dégaine ordinaires. L’adresse au public est directe. Les techniciens sont acteurs et les acteurs techniciens, les torches des téléphones portables tiennent lieu de projecteurs et leurs caméras permettent de faire apparaître les visages des comédiens sur les écrans de papier accrochés aux fils préalablement tendus en travers de la scène. Si l’on peut faire du beau et du sens avec des appareils accessibles au plus grand nombre, c’est donc que l’insanité et la fadeur ambiantes tiennent davantage à l’utilisateur qu’à sa machine. De même que pour Dario Fo, ce n’est pas la planche qui fait le jongleur, mais le génie de l’artiste qui fait théâtre d’un rien, dans ce spectacle, c’est le talent créatif des interprètes qui sublime l’usage des outils, simple feuille de papier, pince à linge, tablette électronique ou smartphone. La troupe réunie autour de Jean-Claude Fall (Roxane Borgna, Jean-Marie Deboffe, Isabelle Fürst, Paul-Frédéric Manolis, Nolwenn Peterschmitt, Laurent Rojol et Alex Selmane) fait preuve d’un talent interprétatif remarquable et danse plutôt qu’elle ne joue cette partition des égarements. Que faut-il au monde contemporain pour ne pas complètement désespérer ? Ne pas oublier qu’on ne peut pas affronter le tragique sans créer d’œuvre d’art. Jean-Claude Fall et les siens le rappellent de manière implacable !

 

Catherine Robert

A propos de l'événement

Ivresse(s)
du vendredi 17 novembre 2017 au dimanche 17 décembre 2017
Théâtre de la Tempête
Route du Champ de Manoeuvre, 75012 Paris, France

Du mardi au samedi à 20h30 ; le dimanche à 16h30. Tél. : 01 43 28 36 36. Durée : 1h45.

 

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