La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Classique / Opéra - Entretien

IVO POGORELICH

IVO POGORELICH - Critique sortie Classique / Opéra Paris Salle Pleyel

CHOPIN / SALLE PLEYEL

Publié le 25 janvier 2013 - N° 206

LA VOIX DU PIANO

Le jeune héros romantique – qui fut à l’origine du scandale de la démission de Martha Argerich du jury du Concours Chopin de Varsovie en 1980, furieuse de le voir éliminé de la phase finale de la compétition – a troqué la gueule d’ange de ses débuts pour la figure d’un sage solitaire, profond et serein, à l’écart des modes et des médias. Le pianiste croate, aujourd’hui âgé de 55 ans, bouleverse par le génie et l’audace de ses interprétations. Très rare sur les scènes parisiennes, il est le soliste du Deuxième Concerto de Chopin, répondant à l’invitation de MyungWhun Chung qui dirige au même programme, à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Radio-France, la Symphonie n°1 « Titan » de Mahler.

Souvent vos visions des œuvres ouvrent de nouveaux horizons, osant en particulier des tempos très lents…

Ivo Pogorelich : En fait, je suis les indications des compositeurs. Et ils donnent plutôt des instructions sur le caractère que sur le tempo. De toute façon, la notion de tempo n’est-elle pas très relative, si l’on pense qu’il y a plus d’un siècle les gens se déplaçaient encore en calèches tirées par des chevaux et qu’aujourd’hui ils se déplacent en voiture. Ceci dit, un instrument de musique a ses propres limites et la profondeur de l’expérience sonore d’un auditeur est complètement liée à la profondeur du son créé par un pianiste qui explore un instrument.

Vous êtes très attaché à cette recherche sur le son. Qui vous a appris à comprendre le « son » du piano ?

I. P. : C’est Ludwig van Beethoven. Il fut un révolutionnaire qui demanda plus au piano qu’à quiconque en face de lui. Il fut celui qui attendait du piano qu’il sonne et résonne comme un orchestre, comme des instruments à cordes, comme des instruments à vent, comme une voix humaine. Cette idée fut développée plus tard par Franz Liszt, qui l’amena plus loin. Pendant la même période, Frédéric Chopin, qui était aussi inspiré par Beethoven, exprima à travers sa propre inspiration d’autres aspects du son du piano reflétant directement les nuances de l’âme humaine.

« Souvent, je sens qu’une œuvre m’appelle. »

Justement, parlez-nous de ce Deuxième Concerto de Chopin que vous jouerez prochainement à Paris…

I. P. : Ce qui est le plus surprenant à propos de ce concerto c’est que, chronologiquement, il a été composé avant l’autre même s’il a été publié après. Compte tenu de sa jeunesse, la profondeur et l’introspection qu’exprime son auteur ne sont pas le fait de son expérience de la vie mais bien de son talent musical et de sa perception phénoménaux. Mon devoir de soliste est de préserver cette si précieuse perception de Chopin et de l’offrir au public sous une forme intacte, non diluée…

Comment décidez-vous de la musique que vous inscrivez à votre répertoire ?

I. P. : En fait, ce n’est pas comme si j’allais à la bibliothèque pour y chercher de la musique ! Parfois l’idée vient tout d’un coup – elle peut être inspirée par une conversation ou survenir de façon assez inattendue. Souvent, je sens qu’une œuvre m’appelle. A ce moment-là, j’essaie de l’aborder avec un esprit et un cœur les plus ouverts possible. Cela prend beaucoup de temps de permettre à une pièce de musique d’ouvrir ses portes et ainsi d’accéder aux trésors qu’elle contient. C’est là que le travail commence vraiment…

Propos recueillis par Jean Lukas.

Remerciements à Zoé Besmond de Senneville pour la traduction.

A propos de l'événement

IVO POGORELICH
du vendredi 1 mars 2013 au vendredi 1 mars 2013
Salle Pleyel
252 rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris

Vendredi 1er mars à 20h. Tél. 01 42 56 13 13. Places : 10 à 85 €.
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