La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Innocence

Innocence - Critique sortie Théâtre Paris Comédie-Française
Innocence, dans une mise en scène de Denis Marleau, à la Comédie-Française. Crédit visuel : Christophe Raynaud de Lage / coll. Comédie-Française

Comédie-Française / de Dea Loher / mes Denis Marleau

Publié le 17 avril 2015 - N° 232

Après sa mise en scène d’Agamemnon* en 2011, le Québécois Denis Marleau revient à la Comédie-Française pour l’entrée au répertoire d’Innocence, de Dea Loher. Une création qui passe à côté du texte de la dramaturge allemande.

L’inscription d’une nouvelle pièce au répertoire de la Comédie-Française (a fortiori lorsqu’il s’agit d’une pièce contemporaine) suscite toujours beaucoup d’attentes et une forme d’effervescence. Le 30 mars dernier, après la première générale de presse d’Innocence, certaines voix – perplexes – s’élevaient pour s’interroger sur l’opportunité de ranger le texte de Dea Loher (née en 1964) parmi le corpus des œuvres pouvant être programmées Salle Richelieu. Il faut dire que la représentation sans chair, sans vie, créée par Denis Marleau (le metteur en scène a lui-même conçu la scénographie du spectacle, Stéphanie Jasmin signe la collaboration artistique et la conception vidéo, Jean-Paul Gaultier les costumes) ne rend en rien justice aux qualités de la pièce écrite, en 2003, par la dramaturge allemande. Mais ne nous trompons pas, ces qualités sont bien réelles. Lorsqu’on se plonge dans la lecture du texte, on est saisi par son tranchant contemporain, par sa force et sa profondeur existentielles. Composée de dix-neuf tableaux, Innocence nous transporte dans une grande ville côtière européenne.

Les hasards et les nécessités de l’existence

Là, les représentants d’une humanité hétérogène se croisent, se manquent, se rencontrent, se questionnent, tentant ensemble, ou isolément, de trouver un sens à la vie : des immigrés clandestins (Nâzim Boudjenah et Bakary Sangaré), une stripteaseuse aveugle (Georgia Scalliet), deux candidats au suicide (Louis Arene et Pierre Hancisse), un employé de pompes funèbres (Sébastien Pouderoux) davantage intéressé par les morts dont il doit s’occuper que par sa propre femme (Pauline Méreuze), une philosophe qui soliloque (Cécile Brune), une mythomane en quête de compagnie humaine (Claude Mathieu)… Sensible, pénétrante, la pièce de Dea Loher apparaît pourtant sourde et sans grande consistance sur le plateau de la Salle Richelieu. Car au lieu d’investir les accents organiques et poétiques de toutes ces existences, le spectacle de Denis Marleau s’enfonce dans une forme de monotonie théâtrale allant à l’encontre du vivant. Le talent des douze interprètes n’est ici pas en cause. Ils font ce qu’ils peuvent pour donner un peu de souffle à cette suite de réflexions sur la mélancolie, la solitude, les rapports entre le Nord et le Sud, les hasards et les nécessités de l’existence. Mais ce souffle se perd dans les carences d’une mise en scène qui orchestre, organise, sans jamais parvenir à dégager de véritable pensée sur le texte.

Manuel Piolat Soleymat

* Lire la critique de Catherine Robert dans La Terrasse n° 189, juin-juillet 2011.

A propos de l'événement

Innocence
du samedi 28 mars 2015 au mercredi 1 juillet 2015
Comédie-Française
5. Place Colette, 75001 Paris, France

En alternance. Matinées à 14h, soirées à 20h30. Durée de la représentation : 2h20. Tél. : 0825 10 16 80 (0,15 € la minute). www.comedie-francaise.fr Innocence est publiée par L’Arche Editeur (2005).

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