La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Etat des lieux de la danse en France

Se trouver soi-même

Se trouver soi-même - Critique sortie Danse
© Jacques Mérienne.

Publié le 30 novembre 2011

Elsa Wolliaston, installée en France depuis la fin des années 1960, invente depuis plus de quarante ans une danse inclassable. Ses cours – elle a formé de nombreux artistes de la « jeune danse française » – et ses créations nous invitent à remettre en jeu tous les stéréotypes attachés à la danse africaine.

Vous êtes née à la Jamaïque et vous avez beaucoup travaillé en Afrique, mais vous vous êtes également formée aux États-Unis, avant de vous installer en France… Quand on dit que vous faites « de la danse africaine », qu’en pensez-vous ?
Elsa Wolliaston :
Je pense que les gens aiment les étiquettes ! J’ai surtout été formée au jazz, à la danse moderne, à la danse classique et à ce qu’on appelait alors, aux États-Unis, l’acrobatie. Je faisais également de la musique. Je suis ensuite retournée dans les pays africains, et je me suis plongée dans l’étude des rituels, pour tenter d’apporter des réponses à la question qui m’anime depuis que je suis toute petite : est-ce que tout le monde danse ? C’était aussi une façon de me confronter à l’identité « africaine » à laquelle on me renvoyait régulièrement. Mes solos sont fondés sur les différentes notions de rite que j’ai pu étudier en Afrique. Aujourd’hui, les rituels africains, la danse et le théâtre qui les accompagnent sont la base de mon travail. Mais ce n’est pas une « boîte » dans laquelle je serais enfermée.  J’ai travaillé longtemps avec Hideyuki Yano, le Japon a aussi été très présent dans mon parcours. Il faut se méfier des étiquettes, qui peuvent être extrêmement agressives : j’ai souffert toutes les fois où l’on m’a renvoyé le fait que, pour une Africaine, j’étais trop intellectuelle. La lutte contre les préjugés n’est d’ailleurs pas finie. Aujourd’hui, on me dit que je suis trop vieille et trop ronde pour monter sur scène ! Heureusement, j’ai toujours su ce que je voulais et ce que je devais faire. Face aux critiques, je continue de chorégraphier – en espérant pouvoir montrer ce travail –, et d’enseigner.

 « Il faut se méfier des étiquettes, qui peuvent être extrêmement agressives. »

Quand vous parlez de votre travail, une notion revient toujours : le rythme. Pouvez-vous nous dire ce qu’est le rythme, pour vous ?
E. W. :
C’est ce qui fait que, même en étant semblable aux autres, chacun est différent : l’énergie, la pulsation, le « timing » propres à chacun. C’est ce qui différencie Chopin de Mozart ou Beethoven… Pour trouver son rythme, il faut d’abord être à l’écoute de soi-même. Alors que la plupart des grandes écoles dépersonnalisent les danseurs, j’ai la prétention de vouloir encourager la couleur personnelle de chacun, tout en partageant le même geste. Il n’y pas de miroir dans mon studio : il ne s’agit pas d’imiter l’autre, mais de se trouver soi-même. Cet apprentissage peut être douloureux, mais quand on ne doute plus, on trouve une richesse que personne ne pourra vous ôter. C’est la musique qui m’a permis d’approcher la question du rythme.

La pédagogie semble avoir beaucoup d’importance pour vous…
E. W. :
Je trouve très dommage qu’aujourd’hui la pédagogie, la création et la recherche soient séparées. Mais il faut dire que l’enseignement implique beaucoup d’investissement et de remise en question : peu de chorégraphes aujourd’hui acceptent d’aller dans cette direction. Je remarque aussi qu’il y a relativement peu de cours de danses traditionnelles africaines. Peut-être parce que, pour entrer dans ces danses rituelles, il faut passer beaucoup de temps à répéter le même geste. Or les gens s’ennuient vite aujourd’hui ! C’est dans le but de maintenir cet enseignement, à la fois exigeant, fondé sur le plaisir et ouvert à tous, que je me bats aujourd’hui pour que le studio One Step, fragile et menacé, continue d’exister.

Propos recueillis par Marie Chavanieux

A propos de l'événement


x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur la Danse

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur la Danse