La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Etat des lieux de la danse en France

Repli vers des valeurs refuges

Repli vers des valeurs refuges - Critique sortie
Crédit : DR - Légende : Fabien Jannelle / Crédit : NY - Légende : Régis Plaud

Publié le 30 novembre 2011

L’Office National de Diffusion Artistique est au cœur des questions croisées de la création et de la diffusion. Fabien Jannelle, son directeur, et Régis Plaud, conseiller danse, reviennent sur leurs missions et sur le paysage chorégraphique actuel.

Qu’est-ce que l’ONDA ?
Fabien Jannelle :
L’ONDA est un organisme parapublic dont 100 % du budget vient du ministère de la Culture. Il a été créé en 1975 pour mener un certain nombre de missions dont celle de favoriser la circulation des spectacles sur l’ensemble du territoire. Aujourd’hui, le paysage a formidablement évolué. Mais malgré l’aménagement culturel du territoire, malgré l’évolution de la réflexion sur le rôle de l’art et la culture dans notre pays, malgré l’augmentation de la diffusion, des œuvres restent sur le bord de la route, parce qu’elles sont portées par les nouvelles générations, ou parce que leur langage est difficile.

« J’ai vu le risque artistique chorégraphique déserter le corps des programmations de “l’abonnement“. »

Et le facteur économique ? Il y a des œuvres qui coûtent très cher dont la diffusion devient impossible…
F. J. :
C’est une question importante. Au départ, nous menons une réflexion sur la création contemporaine : l’innovation dans les langages, l’émergence de nouvelles formes, de nouvelles générations d’artistes… Puis nous analysons le risque financier en le mettant en relation avec le risque artistique : c’est le lien entre le coût du spectacle et sa capacité à faire des recettes propres. Certains spectacles ont peu de chances de faire un fort taux de remplissage. C’est là que l’ONDA intervient. Celui qui prend le risque de présenter un chorégraphe dont le travail sur le plateau a été expertisé par les conseillers de l’ONDA comme un travail innovant, où la question des écritures chorégraphiques est à l’œuvre, bénéficiera d’une aide, une « garantie ». La garantie est destinée aux diffuseurs, mais c’est le spectacle qui la déclenche.

Peut-on dresser un état de lieux de la diffusion de la danse en France ?
F. J. :
Personne ne peut répondre à votre question, excepté de manière impressionniste. Nous n’avons aucune vraie cartographie de la diffusion de la danse en France, faute d’analyse et d’observation concrètes. C’est vraiment dommage, car cela aiderait à définir les politiques publiques.

Régis Plaud. : Depuis les années 90, on constate un grand développement de la diffusion de la danse en France, grâce aux scènes nationales, aux scènes conventionnées danse et plus récemment aux Centres de Développement Chorégraphique, grâce aux théâtres de villes qui s’ouvrent à la danse, et aux Centres Chorégraphiques Nationaux. Après l’explosion des années 2000, notamment due aux formations, on se rend compte aujourd’hui que ce phénomène est limité, avec une moindre prise de risques au profit d’artistes plus reconnus. On note un certain frein, un recul, un phénomène de repli vers les valeurs refuges, les valeurs sûres. Les prises de risques avec les artistes émergents ont donc plus de mal à exister depuis quatre ou cinq ans. On les trouve soit dans des lieux hyper repérés, soit dans des « temps forts ».

F. J. : J’ai vu le risque artistique chorégraphique déserter le corps des programmations de l’« abonnement ». Cela produit un formatage, une normalisation. Ces spectacles plus risqués sont alors confinés dans des « temps forts », qui permettent d’identifier les œuvres, et de leur donner un public en évitant les malentendus. C’est un constat qu’il ne faut pas forcément juger négativement, mais qu’il faut l’analyser dans toute sa complexité. Les lieux de diffusion ont leurs responsabilités, mais ce qui m’intéresse c’est que l’on regarde aussi de l’autre coté. Que se passe-t-il dans la création chorégraphique aujourd’hui ? En posant cette question, on marche sur des œufs, mais de la même façon qu’il faut faire un bilan sur la diffusion, il faut en faire un sur la création.

Face à cela, que fait l’ONDA ?
R. P. :
L’ONDA, avant d’être un soutien à la diffusion via les garanties, réalise très clairement un travail de repérage, de défrichage, d’accompagnement des artistes, et d’information des partenaires pour une meilleure connaissance des enjeux esthétiques. Le réseau des partenaires de l’ONDA sur tout le territoire va du centre culturel d’une petite ville à la scène nationale. Ces partenaires peuvent nous saisir, et à l’inverse quand nous repérons une équipe artistique nous les interpellons. C’est comme cela qu’on arrive à impulser la diffusion des œuvres. Nous avons créé de nombreuses façons de mettre les uns et les autres en contact : les RIDA, Rencontres Inter-régionales de Diffusion Artistique pour les programmateurs qui échangent des informations, les salons d’artistes qui sont une sorte de speed-dating que nous organisons entre des artistes et des programmateurs, les focus, rencontres spécifiques lors de grands événements comme à la dernière Biennale de la Danse de Lyon, les pow-wow, grands rassemblements de professionnels… 

Propos recueillis par Nathalie Yokel

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