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SHALL WE DANCE?

La danse participative

La danse participative - Critique sortie Danse
Crédit : Nyima Leray Légende : Echauffement public avec Boris Charmatz, Fous de danse 2015, Rennes.

Entretien / Boris Charmatz

Publié le 27 février 2016

 A la tête depuis 2009 du Centre Chorégraphique National de Rennes et de Bretagne qu’il renomme Musée de la Danse, Boris Charmatz le conçoit comme un espace expérimental et paradoxal pour élargir les frontières et les pratiques.

Vous avez inventé de nouveaux modèles de « fabrique collective de la danse » qui font assez souvent référence à de la danse participative, pourquoi ?

Boris Charmatz : Pour moi, ce sont surtout des questions de motivation artistique. Ce qui m’intéresse c’est l’art, c’est la dimension esthétique. Je pourrais parfaitement défendre un art non participatif. Par contre, il existe une dimension forte aujourd’hui dont tout le monde a besoin qui est de l’ordre du commun. Et la danse est le médium qui permet ça. Ce qui est un vrai projet du Musée de la danse depuis le départ, c’est de pouvoir passer, sans s’en rendre compte, d’une position à une autre. Nos salles sont d’abord des studios, donc c’est un lieu d’exposition vivante de la danse. On peut y passer du rôle de guide à celui de médiateur, de performer, de chorégraphe. Celui qui entre croit visiter la danse, mais en réalité, il est visité par la danse. Il entre pour regarder, écouter, et se retrouve dans un atelier, un débat où il peut participer, voire dans un spectacle. Tout peut s’enchaîner, se dissoudre, de manière fluide, formant un seul événement plastique et chorégraphique.

Est-ce également l’objectif de Fous de danse, cette manifestation que vous avez initiée l’an dernier et qui fait danser l’espace d’un jour, toute la ville de Rennes ?

Boris Charmatz : Il s’agit plutôt de changer l’espace public en transformant les rapports ou les usages. Au lieu d’avoir un espace figé ou même des amateurs monteraient sur scène, c’est un espace de métamorphose. On y change de posture vis-à-vis d’une même chose, c’est une exposition vivante, mouvante, qui fait bouger les choses. On passe d’un échauffement à une exposition de solos de danseurs de l’Opéra, du dance floor au « Soul Train » (deux groupes en ligne, les uns derrière les autres, forment un couloir à l’intérieur duquel des duos improvisent des danses funky), d’ateliers à un fest-deiz, ou aux danses urbaines. Tout est « sur place », sans ligne de démarcation. On peut se joindre aux deux tiers des propositions. Donc, on n’est pas dans le participatif, mais dans des formats collectifs, des modules différents qui permettent de faire tomber des barrières. On finit avec Anne Teresa De Keersmaeker qui danse son solo, ce qui est l’opposé du participatif. C’est un véritable enjeu.

Pourquoi l’avez-vous organisé sur la place Charles-de-Gaulle ?

Boris Charmatz : Mon objectif était aussi de faire bouger un espace public figé dans un contexte post-attentats. Il faut savoir qu’à Rennes, après « Charlie » a eu lieu sur cette place Charles-de-Gaulle l’une des plus grosses manifestations. Elle rassemblait 115 000 personnes pour 200 000 habitants. C’était extrêmement fort, émouvant et compliqué. On était complètement bloqués. Immobilisés. J’avais déjà prévu d’y organiser Fous de danse. J’avais envie que cette place se remette à bouger en profitant du mouvement de tout le monde. Après la deuxième vague d’attentats, ça m’est apparu encore plus nécessaire.

Ce type de projet rencontre-t-il le succès, en termes de participation et d’implication du public ?

Boris Charmatz : C’est un projet qui s’est appuyé sur le fait qu’on est là depuis six ou sept ans et que la Ville nous a totalement soutenus. Du coup, ça a été une vraie réussite, environ 10 000 personnes sont venues, un monde incroyable. Je ne m’y attendais pas. Je devais transmettre Levée des conflits. J’avais fait tout un travail avec des classes de la maternelle à l’université, mais je n’étais pas sûr qu’ils viennent tous… Et j’ai vu 900 personnes s’installer sur la place. C’était une marée humaine, une véritable irruption de danse dans la ville.

 

 

Propos recueillis par Agnès Izrine

A propos de l'événement

Fous de danse
du dimanche 15 mai 2016 au dimanche 15 mai 2016


de midi à minuit

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