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Visages de la danse 2017

Des compagnies qui rayonnent…

Des compagnies qui rayonnent… - Critique sortie Danse
Crédit : Tim Douet Légende : Maguy Marin

Les compagnies nationales

Publié le 28 février 2017

Dans la foulée des mesures nouvelles 2016 allouant de nouveaux moyens aux compagnies indépendantes, ont été créées les « compagnies à rayonnement national et international ». Que recouvre ce nouveau terme ?

Ce n’est pas un dispositif, ni un label, encore moins une appellation contrôlée. Qu’est-ce donc ? C’est « une nouvelle aide aux compagnies à rayonnement national et international », libellée ainsi : « Le ministère de la Culture met en place un nouveau conventionnement entre des équipes artistiques et l’Etat. Ce conventionnement doit permettre aux équipes artistiques aidées de consolider leur modèle économique, et de mieux assurer leur développement national et international ». Il permet « dès 2016, de soutenir de façon significative douze équipes artistiques : Maguy Marin, Carolyn Carlson, Jean-Claude Gallotta, François Chaignaud/Cécilia Bengolea, Gisèle Vienne, Anne Nguyen, Jérôme Bel, Philippe Decouflé, François Verret, Emmanuelle Huynh, Maud Le Pladec et enfin Arcosm, codirigée par Thomas Guerry et Camille Rocailleux qui créent pour le jeune public. » selon le communiqué de presse du 6 juin 2016, édité par le ministère de la Culture et de la Communication. Bien sûr, cette aide ne concerne pas seulement la danse mais une soixantaine de compagnies toutes disciplines confondues (musique, théâtre, cirque et danse). La mesure, signifiée par une lettre de Michel Orier (à l’époque directeur de la DGCA – Direction générale de la création artistique) dès le 30 décembre 2015 aux compagnies concernées, suscite dès son annonce des interrogations qui sont relayées notamment par le Syndéac dans une lettre de sa présidente, Madeleine Louarn. Le reproche porte principalement sur le manque de transparence de cette aide (critères de sélection, engagements conventionnels, pérennité du dispositif) et le manque de concertation avec l’ensemble des secteurs concernés. Nous avons essayé d’en savoir plus.

De quoi s’agit-il ?

Les compagnies à rayonnement national et international ne dépendent plus des DRAC, contrairement aux autres compagnies, mais directement de la DGCA. Néanmoins, il semblerait que pour quelques compagnies, la DRAC fasse partie du dispositif, comme ce serait le cas pour la Compagnie Gisèle Vienne (contrairement au communiqué de presse du ministère). La durée de ce conventionnement est de quatre ans, les montants de subventions sont variables en fonction des compagnies mais représentent un vrai coup de pouce financier. Si les critères d’attribution ne sont pas clairement définis, par contre, un cahier des charges contraignant a été mis en place, prévoyant au moins trois créations ou reprises en quatre ans, une diffusion d’au moins 200 dates dont 25% à l’international et un accent mis sur l’emploi. Mais là encore, il semblerait que ce ne soit pas le même cahier des charges pour tout le monde, Gisèle Vienne nous précisant que leur « cahier des charges est différent de celui que vous citez. » D’une manière générale, les compagnies ont les clefs pour en sortir, mais pas pour y entrer. Le ministère de la Culture et de la communication n’ayant pas souhaité répondre à nos questions au motif que « cet entretien est inséré dans un numéro spécial danse alors que cette aide concerne toutes les disciplines du spectacle vivant », nous nous sommes donc tournés vers trois compagnies bénéficiant de cette aide et représentatives de la diversité sinon de l’hétérogénéité des profils concernés, à savoir les compagnies Maguy Marin, Gisèle Vienne et Anne Nguyen. La première est une des pionnières de la danse contemporaine en France et ex-directrice d’un CCN, la seconde est une artiste pluridisciplinaire (chorégraphe, marionnettiste et metteuse en scène) reconnue depuis ses débuts en 1999, qui bénéficiait du statut de compagnie conventionnée à Strasbourg, et enfin la troisième est une compagnie hip hop assez récente créée en 2005, et récemment artiste associée à Chaillot, Théâtre national de la Danse. Si Maguy Marin et Anne Nguyen n’ont pas été consultées avant de se voir désignées comme telles, voire avaient du mal à collecter des informations, Gisèle Vienne avait été sollicitée par le Ministère avec un groupe d’artistes autour de la question du développement des compagnies indépendantes.

À quelle nécessité cela répond-il ?

La réponse est très différente suivant les compagnies interrogées. Pour Gisèle Vienne, c’est très clair, cette aide vient pallier un manque de moyens récurrents face à un développement exponentiel des activités de sa compagnie qui finissait par freiner sa croissance au lieu de la soutenir. « Ça va nous permettre de faire un vrai bond, » explique-t-elle, « même si cela ne suffit toujours pas à créer un poste permanent de directeur artistique et ne répond toujours que partiellement aux besoins de la compagnie. » Pour Antoine Manologlou, président de la compagnie Maguy Marin (11 permanents, 60% d’autofinancement), « c’est une façon de donner une légitimité au dispositif de « sortie de CCN » qui jusqu’à présent n’avait pas de statut officiel. Nous avons basculé sur ce dispositif de quatre ans, au lieu de trois auparavant ». Pour lui, l’intérêt de cette nouvelle aide est surtout de libérer des conventionnements décidés, eux, au niveau des DRAC et donc de permettre à de nouvelles compagnies, plus jeunes, d’en bénéficier, « d’autant que les collectivités territoriales ont aujourd’hui tendance à baisser sinon supprimer leurs subventions ». Anne Nguyen pense que cela « répond à une volonté de diversité » et va enfin leur « permettre de recruter une responsable de production et diffusion, à qui je vais pouvoir confier des responsabilités que j’assumais moi-même jusqu’à présent, notamment en matière de diffusion. » Cette nouvelle aide serait-elle une panacée universelle aux maux des compagnies ? Pas si sûr, car il reste des zones d’ombres non élucidées. « Cela va-t-il durer ? » se demande Anne Nguyen, car « si c’est remis en question dans quatre ans, il faut pouvoir rétropédaler à temps ». « Quid des compagnies qui n’auront pas rempli les critères ? » s’interroge Antoine Manologlu. Quant à Gisèle Vienne, elle souligne que les critères devraient porter davantage sur la qualité artistique et la diversité des esthétiques plutôt que sur la quantité de dates ou le nombre de créations. Bref, encore beaucoup de flou entoure cette mesure. Mais que l’on se rassure, le ministère de la Culture et de la Communication devrait communiquer très prochainement à ce sujet.

 

Agnès Izrine

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