La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

La formation théâtrale en France

« A force d’essayer, une note juste sort du chaos. »

« A force d’essayer, une note juste sort du chaos. » - Critique sortie

Publié le 10 mars 2011

Arrivé sur la scène en 1965 par les chemins de traverses, le comédien Maurice
Bénichou n?a plus quitté les planches et a séduit aussi la caméra, construisant
sa route avec les plus grands metteurs en scène.

Comment avez-vous appris votre métier ?

Je ne sais plus’ Je suis arrivé au théâtre par le hasard des rencontres.
J’avais 21 ans, pas de métier, pas d’anxiété non plus. Des amis m’ont emmené au
TNP, à Villeurbanne, voir des spectacles de Roger Planchon. De copains en
copains, j’ai fait la connaissance de Marcel Maréchal, qui m’a engagé dans sa
troupe, en 1965. Je suis resté quelque temps, et puis je suis parti ailleurs.
J’ai rencontré Patrice Chéreau, Luca Ronconi, Jean-Pierre Vincent, Peter Brook?
Je faisais ce qu’on me demandait, j’inventais au fur et à mesure. Comme tous les
jeunes, j’étais un peu complexé mais j’aimais être en scène. J’ai appris ainsi,
dans le faire, en jouant énormément, en explorant les possibles, en pétrissant
le texte de mille manières pour aborder un rôle. A force d’essayer, une note
juste sort du chaos. Il faut vivre l’expérience, peu importe le résultat. J’ai
travaillé ainsi parce que je n?avais pas de formation classique, pas de
références. Comme un jeu plus qu’un labeur. L’apprentissage continue tout au
long de la vie.

« Il faut aussi laisser faire le temps, pour que le poème et le vécu du
personnage s’installent à l’intérieur de soi-même. »

Votre nom est associé à Peter Brook, avec qui vous avez beaucoup travaillé?

J’ai appris énormément avec lui, mais peut-être surtout à être joyeux? à tout
faire avec le désir. Il m’a rendu plus intelligent.

Comment transmettre ?

Je ne crois pas aux « leçons » – je n?enseigne pas, du reste. Pour former les
élèves sans les formater, le mieux est de les faire monter sur scène. Je déteste
les clichés, les comportements stéréotypés qu’on apprend dans les écoles. La
technique apporte bien sûr une base indispensable. Elle donne une liberté à
l’acteur et l’affranchit un peu de ses peurs, de ses inhibitions, de la
contrainte du metteur en scène, du public ou de la caméra. Elle s’aguerrit au
quotidien, par des exercices du corps et de la voix. Sans technique, un don
n?est rien qu’une sale manie, comme dit la chanson de Georges Brassens. La
sincérité ne vaut pas qualité d’interprétation. Elle ne sert à rien. Il s’agit
d’être juste, simplement juste, de faire semblant d’être un personnage, tout en
l’inventant et en sachant qu’on ne le vit pas. Plus l’acteur développe son
imaginaire, son intelligence, plus son jeu sera juste et sa palette vaste.
Travailler comme un forcené ne suffit pas. Il faut aussi laisser faire le temps,
pour que le poème et le vécu du personnage s’installent à l’intérieur de
soi-même. Pour cela, le comédien doit se nourrir de l’observation de la vie, de
la littérature, du cinéma, de la peinture, de l’échange? Et garder intact le
plaisir de faire, d’inventer. Rien n?est pire que de chercher à répéter
exactement une représentation, aussi exceptionnelle fut-elle. Il faut oublier et
renaître chaque soir au personnage. La routine tue l’art de l’acteur.

Entretien réalisé par Gwénola David

 

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