La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Homme pour homme

Homme pour homme - Critique sortie Théâtre Paris Theatre de la R

Théâtre de la Tempête / Brecht / mes Clément Poirée

Publié le 14 janvier 2014 - N° 216

Du Brecht aux accents shakespeariens, ce n’est peut-être pas un hasard si Homme pour homme n’est pas la pièce la plus montée de l’immense répertoire de l’auteur allemand. Clément Poirée s’y est cependant attaqué.

De Shakespeare : la réflexion sur l’identité humaine, sa labilité, l’être sans cesse changeant qui rend chaque homme insaisissable à lui-même. La farce aussi, le mélange des genres et des registres, la vulgarité qui se mêle à la poésie lors de ces nuits d’ivresse où l’alcool fond le cauchemar dans la réalité. De Brecht  : la critique de la guerre et des soldats, le parti-pris en faveur des gens simples, des faibles d’esprit et de condition sociale, et ce goût de la fable grand format qui instruit et divertit, et véhicule une morale. Homme pour homme raconte l’histoire de Galy Gay, gentil docker naïf et niais, aussi bon que bête, qui s’en allant chercher un poisson au marché croise une cantinière et quatre soldats mitrailleurs de l’armée britannique qui vont le conduire en quelque sorte à sa perte. Car d’une certaine manière, Galy Gay meurt à la fin. Au terme de nombreuses péripéties, il change en effet de nom, et d’identité, se métamorphose de Galy Gay en Jerreiah Jip, de docker en soldat, d’homme bon en conquérant destructeur.

La virilité dans le sens du poil

Qui sommes-nous vraiment ? Ou dans cette fable et par la voix de Brecht : « A quoi Galy Gay reconnaît-il qu’il est lui-même Galy Gay ? ». Le sujet est vaste et le théâtre son terrain de jeu favori, cet art qui se plaît à feindre et tend depuis longtemps à l’homme le miroir où contempler son inconsistance et ses multiples mensonges. Homme pour homme réoriente la question du côté de la dénaturation de l’homme par la guerre, cette guerre qui corrompt son âme et n’a de cesse de caresser la virilité dans le sens du poil. A cette fin, la mécanique du théâtre y est employée dans toutes ses potentialités : piège à vue, magie, scène de séduction satanique, cabaret, parodie de procès… le tout dans un esprit farceur et burlesque qui sur la fin se teinte d’une couleur tragique. Dans une théâtralité un brin excessive, la troupe de Clément Poirée porte avec conviction les méandres d’une action alambiquée qui, malheureusement, se complique inutilement. Avec une scénographie où le dessin et son papier portent la symbolique de l’éphémère et de l’instable, cette fable de Brecht a du mal à convaincre, paraît mal fagotée, trop lente par endroits, démonstrative en d’autres, peinant à poser son registre, brouillonne finalement. Pour mimer le propos de la pièce, celle-ci écrite par Brecht en 1926 tendrait à montrer que l’auteur allemand n’est pas encore lui-même.

Eric Demey 

A propos de l'événement

Homme pour homme
du jeudi 16 janvier 2014 au dimanche 16 février 2014
Theatre de la R
route du champ de manœuvre, 75012 Paris.

Du 16 janvier au 16 février. Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h. Tél : 01 43 28 36 36. Spectacle vu au Piccolo théâtre de l’Espace des arts de Châlon-sur-Saône. Durée : 2h20.
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