La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Hamlet

Hamlet - Critique sortie Théâtre
Spectateur détourné, Hamlet (Romain Cottard) assiste à la fête macabre de la vie.

Publié le 10 février 2009

La Compagnie des Sans Cou s’est amusée avec un éclat juvénile à réveiller la matière d’Hamlet, pièce maîtresse du grand Will. Une déferlante qui fait briller le joyau noir de cette quête existentielle.

La compagnie des Sans Cou est un collectif de jeunes comédiens ébouriffés, bruyamment engagés à faire les quatre cents coups dans une aventure scénique joyeuse, des figures éclairées et dégingandées de b.d. ou mangas. L’adaptation d’Hamlet est mise en scène par Igor Mendjisky avec Clément Aubert, James Champel, Romain Cottard, Fanny Deblock, Yves Jégo, Imer Kutlovici, Dominique Massat et Arnaud Pfeiffer. Une génération généreuse avec le plateau et désireuse de parcourir, malgré les vicissitudes d’un quotidien terne, l’espace réinventé de tous les jeux du possible. La représentation débute avec Sweet Dream d’Eurythmics et se poursuit avec une reprise de Crazy, histoire d’annoncer la couleur avec fumigènes. La traduction de la pièce est réactualisée sur un registre ado et familier. Il est vrai que la pièce de Shakespeare, avec la mélancolie traînante et obsédante du héros éponyme Hamlet, seigneur d’Elseneur et romantique avant l’heure, avide de pureté morale et d’éthique, ne pouvait qu’attirer a contrario ces acteurs décidés à en découdre avec la vie, gourmands et mordants dès qu’il s’agit d’obéir aux impulsions intimes d’une reconnaissance personnelle.

Lutter contre une époque détraquée

La blessure intérieure du jeune Hamlet est due à l’apparition de son père mort sur les murailles du château nocturne qui lui révèle le meurtre commis par son propre frère, l’oncle d’Hamlet, s’appropriant du coup son épouse, la mère d’Hamlet, et le royaume du Danemark. Un fils digne de ce nom ne peut tolérer ce manquement absolu aux lois humaines élémentaires, qu’elles soient familiales ou politiques ; il doit se venger. Or, Hamlet n’est pas un agissant – voilà toute la complexité envoûtante de l’œuvre – mais plutôt un beau ténébreux (le longiligne et vif Romain Cottard, jean, veste, manchons et chaussures pointues). C’est un contemplatif mystique qui se complaît dans ses lectures non loin de la douce Ophélie (Fanny Deblock), savante dans les noms de fleurs. Le monde poétique des amants est piétiné sans état d’âme par l’irruption des rapports de pouvoir vils, un abrégé de la chronique des temps. Hamlet va avoir à jouer le fou : « Mais toi mon cœur, il faut que je te retienne… » Son fidèle ami et confident Horatio est son témoin et sa mémoire. Les adultes ainsi que les faux amis par qui le mal arrive sont vêtus de nippes hippies. Assis sur son siège royal dans la salle, le héros « pleins feux », d’un tour de tête, s’adresse au public. Cette tension d’un seul à lutter contre une époque détraquée, refusant que « l’enfer souffle sur le monde », est efficace. Un chœur prometteur de comédiens solidaires et instinctifs.

Véronique Hotte


Hamlet

De Shakespeare, mise en scène d’Igor Mendjisky, du 7 janvier au 8 mars 2009, du mercredi au samedi 19h, dimanche 15h au Ciné 13 Théâtre 1, avenue Junot 75018 Paris Tél : 01 42 54 15 12 ciné13théatre@wanadoo.fr

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