La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

GOLGOTA

GOLGOTA - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Rond-Point
Le centaure traîne un pénitent. Crédit photo : Nabil Boutros

Théâtre du Rond-Point / région / tournée / Conception et mes Bartabas / Chorégraphie Andrés Marin

Publié le 24 avril 2014 - N° 220

Bartabas signe avec le danseur flamenco Andrés Marin une liturgie équestre à la fois puissante et chargée.

Bartabas signe avec le danseur flamenco Andrés Marin une liturgie équestre à la fois puissante et chargée.

Un parfum d’encens grise à peine la pénombre, se perd dans une rumeur lointaine de cathédrale. Un nain aux boucles d’ange plusieurs fois ravive la flamme électrique d’un candélabre à piécettes et jette l’ombre d’une menace dans sa soutane. Tout aspire déjà au cérémonial qui va s’accomplir… Le centaure alors entre en scène, traînant un pénitent qui se flagelle à genoux. Ainsi commence le chemin de croix que Bartabas et Andrés Marin ont tracé ensemble, guidés par l’iconographie des mystiques espagnols du 16e siècle et les motets de Tomás Luis de Victoria (1548-1611), prêtre catholique et grand polyphoniste de la Renaissance. Tandis que la voix pénétrante du contre-ténor Christophe Baska, accompagné au luth et au cornet, berce les ténèbres d’Agnus Dei, d’Alléluia et Sanctus, le cavalier et le danseur flamenco composent une série de tableaux, déployés comme autant de stations d’une Passion hantée par l’ascèse, la quête de transcendance, la vanité de l’ordre temporel, l’animalité et le sacré.

Images fascinantes

Depuis quelques années, Bartabas trouve dans la rencontre artistique matière à enrichir son art. Il a ainsi récemment frayé avec le danseur de buto Ko Murobushi puis la chorégraphe Carolyn Carlson. Avec le Sévillan Andrés Marin, qui a débarrassé le flamenco de tout folklore pour en révéler l’éclat impétueux et la puissante transe, il ouvre son univers aux couleurs sombres portées par la Contre-réforme catholique et la culture andalouse, avec ses processions de la Semaine Sainte, ses défilés de pénitents et ses crucifixions. Golgota n’évite pas la grandiloquence des clichés et la grande pompe de la messe, même si la solennité est heureusement rayée de traits d’humour. Manquent aussi des liens pour coudre mieux ensemble les images qui font forte impression par leur beauté hiératique, découpées dans un clair-obscur à la Caravage. Cette liturgie équestre fascine cependant par la force des symboles convoqués, lorsque Bartabas et sa monture s’écroulent soudainement dans la terre noire, lorsqu’Andrés Marin, debout sur un fauteuil, se cabre et libère un zapateado furieux, lorsque le cheval danse ou bien erre au seuil de l’échelle qui grimpe vers la croix et console l’homme abandonné ici bas… Entre les deux hommes et l’animal se noue le mystère d’un dialogue secret, le murmure d’une méditation sur le destin de mortel. Leurs corps tendus en offrande, leurs musculatures nerveuses blessées par les années, dévoilent la chair dans sa lumineuse fragilité… profondément humaine.

Gwénola David

A propos de l'événement

GOLGOTA
du lundi 14 avril 2014 au dimanche 6 juillet 2014
Théâtre du Rond-Point
2 Avenue Franklin Delano Roosevelt, 75008 Paris, France

Du 14 avril au 11 mai à 20h30, dimanche à 15h, relâche le jeudi et le 5 mai. Tél : 01 44 95 98 21. La Coursuve, Scène nationale de La Rochelle du 22 au 27 mai. Tél : 05 46 51 54 00. Odyssud, ville de Blagnac, du 2 au 6 juin. Tél : 05 61 71 75 10. Les Nuits de Fourvière, du 22 au 28 juin. Tél : 04 72 32 00 00. Théâtre l’Archipel  Scène Nationale Perpignan, du 3 au 6 juillet. Tél : 04 68 62 62 00. Durée : 1h15. Spectacle vu à Bonlieu, Scène Nationale d’Annecy.

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