La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Gilles Bouillon monte Un chapeau de paille d’Italie de Labiche

Gilles Bouillon monte Un chapeau de paille d’Italie de Labiche - Critique sortie Théâtre Tours Théâtre Nouvel Olympia

CDR de Tours

Publié le 8 octobre 2012 - N° 202

Péripéties du chapeau volant d’une volée volage qui veut récupérer son bien… Gilles Bouillon orchestre la ronde éperdue de Fadinard et sa noce, cauchemar gai, tressautant et chantant, grinçant et délirant.

Péripéties du chapeau volant d’une volée volage qui veut récupérer son bien… Gilles Bouillon orchestre la ronde éperdue de Fadinard et sa noce, cauchemar gai, tressautant et chantant, grinçant et délirant.

Pourquoi choisir Labiche après l’immense succès de votre Cyrano de Bergerac ?

Gilles Bouillon : D’abord parce qu’il fallait justement sortir de l’aventure de Cyrano de Bergerac qui a duré deux ans et laissé une empreinte très forte. Entre temps, j’ai mis en scène Kids, et il m’a fallu choisir une nouvelle pièce. Je voulais travailler à nouveau avec beaucoup de gens, et je voulais monter une comédie, pour le bonheur et le défi de faire rire la salle. Un chapeau de paille d’Italie est une pièce particulière dans l’œuvre de Labiche : elle sort du trio habituel composé par le mari, la femme et l’amant. Il s’agit d’une double course-poursuite : un gars court après un chapeau et est lui-même poursuivi par sa noce.

« Labiche, c’est un théâtre qui ne s’assoit jamais ! »

Qu’est-ce qui a guidé votre lecture de la pièce ?

G. B. : Deux choses – et deux choses qui me passionnent. Labiche écrit la pièce en 1851. A la même époque, Flaubert travaille sur la bêtise et Baudelaire consacre la préface des Fleurs du mal à la sottise. Labiche et Feydeau, comme leurs contemporains Baudelaire et Flaubert, passent leur vie à démonter la bêtise et la sottise de cette bourgeoisie de rentiers qui vient de vivre la débâche de 1848. Dans Du côté de chez Swann, Swann se moque des Verdurin et de leur soirée à Chatou : « D’abord, cette idée d’aller à Chatou ! Comme des merciers qui viennent de fermer leur boutique ! Vraiment ces gens sont sublimes de bourgeoisisme, ils ne doivent pas exister réellement, ils doivent sortir du théâtre de Labiche ! » Deuxièmement, c’est la dimension cauchemardesque de cette pièce qui m’intéresse. Le chapeau de paille d’Italie est le cauchemar de Fadinard ! Ce qui va de pair avec la fonction des personnages de la pièce, qui sont des caractères, des apparences sans profil, comme des cartes à jouer. Baty, qui a monté la pièce, parle de son aspect poétique, et la définit comme un « cauchemar gai » : voilà ce qui est intéressant à essayer de montrer sur le plateau. Il ne s’agit évidemment pas d’en faire seulement une lecture sociologique ou psychologique. Mais il est utile de savoir tout ça pour le mettre en lisière du travail de mise en scène.

Cela posé, que reste-t-il à faire ?

G. B. : A se coltiner la difficulté de ce type de théâtre, qui suppose une virtuosité technique incroyable ! Les répliques sont un véritable ping-pong ; chacun n’existe que dans la réaction à l’autre ; on ne peut pas construire un personnage comme d’habitude. Il n’y a pas un temps de repos. Ce théâtre exige une humilité terrible, car il faut être dans une écoute totale, dans le tac au tac, dans une virtuosité passionnante de la parole et du geste. Le corps de l’acteur est au centre du débat, et il faut trouver un jeu corporel : on chante, on danse et on joue. Labiche, c’est un théâtre qui ne s’assoit jamais, du mouvement pur, de la dépense, « une tempête dans un verre d’eau sucrée », a-t-on pu dire. Et c’est peu dire qu’il est difficile de jouer d’un instrument et de chanter dans le mouvement. Les chansons n’ont ici rien à voir avec les songs brechtiens, par exemple ; c’est bien davantage comme à l’opéra : quand les personnages ne peuvent plus parler, ils chantent. Et puis le maître mot, qui commande ce mouvement perpétuel, c’est le rire : le rire à tout prix !

De quoi Labiche rit-il ?

G. B. : Labiche n’est pas méchant : il renvoie leur reflet à ses contemporains sans foncière antipathie. En même temps, il ne fait pas de cadeau. L’attaque n’est pas frontale mais elle est grinçante, et dévoile la bêtise. Ces personnages sont des fantoches, des marionnettes qui s’agitent. Ce miroir déformant fait rire d’un rire presque enfantin, mais il n’est pas dit que derrière ces quiproquos entre malentendus et malentendants, il n’y ait pas du danger. Ce n’est sans doute pas par hasard que les dadaïstes se sont intéressés à Labiche. Labiche, entre Dada et Kafka, peut-être ; et pas si loin de Beckett et Ionesco…

 

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE
du mercredi 10 octobre 2012 au dimanche 16 décembre 2012
Théâtre Nouvel Olympia
7, rue de Lucé, 37000 Tours

CDR de Tours, Théâtre Nouvel Olympia, 7, rue de Lucé, 37000 Tours. Du 10 au 26 octobre 2012. Mardi, mercredi, vendredi et samedi à 20h ; lundi et jeudi à 19h ; relâche les 14, 20 et 21. Tél. : 02 47 64 50 50. Théâtre de la Tempête, Cartoucherie, route du Champ de Manœuvre, 75012 Paris. Du 14 novembre au 16 décembre 2012. Tél. : 01 43 28 36 36. Tournée nationale de janvier à mai 2013.
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