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Focus -252-Festival de Saint~Denis

Un Festival toujours créatif, entre filiation et renouvellement

Un Festival toujours créatif, entre filiation et renouvellement - Critique sortie Classique / Opéra
©FSD Ch.Fillieule

Entretien / Nathalie Rappaport

Publié le 15 février 2017 - N° 252

C’est à une jeune directrice, nommée à la tête du Festival de Saint-Denis en 2011, que revient la mission de marquer l’anniversaire de l’une des manifestations françaises de musique classique les plus renommées dans le monde, sur le point d’entrer dans le club très fermé des festivals quinquagénaires.

Cette prochaine édition marque le début des 50 ans du festival. Pourquoi cet anniversaire se déploie-t-il sur 3 ans ?

Nathalie Rappaport : Parce que la création du festival a pris du temps. Il y a eu des prémisses en 1967, puis la première édition officielle prévue en 1968 a été reportée en 1969 en raison des événements de mai. L’idée est de reproduire cette naissance prolongée pour fêter les 50 ans. C’est aussi l’occasion pour nous de prendre le temps. Célébrer le Festival sur une seule année aurait été trop court, tandis que le faire sur trois ans nous permet de développer les choses, de faire participer davantage d’artistes.

Que ressentez-vous en tant que directrice sur un plan émotionnel au moment de marquer le 50ème anniversaire de ce grand festival ?

N. R. : Ce n’est pas rien ! Quand je me retourne et que je vois tout ce qui a été fait au fil des années, je ressens beaucoup d’émotions et évidemment une certaine responsabilité, celle de rester toujours à la hauteur. Mais plutôt que porter cet héritage comme quelque chose de lourd, je préfère au contraire y puiser une force pour demeurer dans un projet de festival mobile et dynamique, pour m’adosser sur les nouvelles générations, à l’image de la ville de Saint-Denis, en mouvement, qui ne reste pas fixée sur son passé et essaie de construire une ville d’aujourd’hui. L’idée est de s’appuyer sur ce qui a été accompli, sur les fondamentaux du festival, mais en même temps de le réactualiser, de le renouveler, pour se projeter en avant. Je veux me servir de ces 50 ans comme d’un tremplin pour l’avenir.

La programmation a beaucoup évolué ces dernières années, depuis votre arrivée…

N. R. : Bien qu’il y ait toujours eu au Festival de Saint-Denis des choses différentes – il faut par exemple se souvenir que Philip Glass a joué pour la première fois dans la Basilique en 1977 -, l’image du Festival a longtemps été attachée au répertoire des grands oratorios. Depuis longtemps, nous avons associé dans la programmation de musique classique, musiques du monde, musique contemporaine et plus particulièrement la musique minimaliste américaine. C’est aujourd’hui devenu le modèle mais pendant longtemps, on était vus comme éclectiques et ce n’était pas forcément une qualité ! Aussi, pendant longtemps, l’attention s’est centrée sur les grandes formes, les grands concerts des formations de Radio France, le partenaire historique et essentiel du Festival, les grands chefs… Au fil des années, une des marques du Festival de Saint-Denis est devenue la mise en œuvre de créations musicales. Chaque création, chaque concert qui mélange les esthétiques est une expérience unique. Ce que l’on cherche à faire, c’est désenclaver, décloisonner les musiques, montrer que les musiciens classiques peuvent collaborer avec des musiciens des autres musiques, les musiques du monde bien sûr mais cela peut être aussi le rock ou l’électro.

« Ce que l’on cherche à faire, c’est désenclaver, décloisonner les musiques. »

Depuis votre arrivée, de nombreux nouveaux visages sont arrivés dans la programmation, qui ont petit à petit pris la place des Colin Davis, Seiji Ozawa, Riccardo Muti et Kurt Masur, qui ont fait la gloire du Festival…

N. R. : A partir de 2011, j’ai initié une forme de renouvellement en travaillant davantage avec les ensembles indépendants. J’ai un peu « saisi au vol » de jeunes chefs comme Maxime Pascal, Raphael Pichon, Jérémie Rhorer, Leonardo Garcia Alarcon…. Cette année, l’idée est davantage de faire appel à des chefs au parcours plus « classique » de cette nouvelle génération, comme Daniele Rustioni, Robin Ticciati, James Gaffigan… Ils sont les héritiers de ces grandes figures que vous venez de citer. Ils ont tous des positions internationales de premier plan mais on ne les connaît pas encore très bien.

Quelle est la motivation particulière des chefs, tous très sollicités, qui viennent diriger à Saint-Denis dans le Festival ?

N. R. : C’est la Basilique et sa singularité. Travailler avec cette acoustique particulière. Sir John Eliot Gardiner, qui revient lors de cette édition, fait par exemple partie de ces grands chefs qui s’approprient parfaitement cette acoustique d’église réverbérante. Et puis la Basilique reste un lieu unique, un lieu d’histoire. Je pense qu’à notre époque, on a besoin de se réancrer dans l’histoire : il y a l’histoire de la Basilique et puis l’histoire du Festival. Les grands chefs que l’on a cités ont créé une lignée prestigieuse et que l’on soit croyant ou non, on ressent dans ce lieu une aspiration à l’élévation.

Comment se pose la question de la conquête de publics nouveaux au Festival de Saint-Denis ?

N. R. : Elle est primordiale. A part la Basilique, où depuis toujours de la musique a été jouée et composée, il n’y a pas de légitimité évidente à ce qu’une ville comme Saint-Denis accompagne un festival de musique classique. Nous travaillons avec la population dans son ensemble depuis toujours et plus particulièrement auprès de la jeune génération depuis 25 ans. La création de la programmation Métis en 2004, orientée vers les musiques du monde, a permis de créer sur tout le territoire de la nouvelle communauté d’agglomération, des passerelles vers la musique classique à travers des rencontres de musiciens classiques et de musiciens d’autres esthétiques. Nous travaillons étroitement avec les structures scolaires, écoles, collèges et lycées. Nous rencontrons désormais des adultes qui nous disent « Quand j’étais petit, j’allais à la Basilique pour le Festival ! ». Quand on touche environ 2000 enfants chaque année, au bout de 25 ans, cela finit par faire du monde ! Nous avons aussi mis en place une convention avec le Conservatoire à rayonnement régional de la Courneuve, construisant avec eux une relation privilégiée. On s’attache aussi à ce que notre public vienne pour moitié de la ville de Saint-Denis et du département de la Seine-Saint-Denis, l’autre moitié venant d’autres départements de la Région Île-de-France dont Paris.

Une des grandes surprises de l‘édition 2017 est l’apparition du Mahler Chamber Orchestra dans la programmation…

N. R. : C’est clairement l’une des expressions les plus visibles du travail réalisé en commun avec Jean-Pierre Le Pavec pour fêter les 50 ans du Festival. Européenne, à géométrie variable, itinérante, cette formation associe des musiciens de vingt nationalités différentes, qui travaillent projet par projet sur un répertoire qui va de Mozart à Berio. Avec à sa tête deux directeurs musicaux, Daniele Gatti et Teodor Currentzis, qui dirigent à Saint-Denis. Eux aussi fêtent un anniversaire, ils ont 20 ans cette année ! Nous entamons une collaboration pour cette édition, en réfléchissant déjà à la suite, certainement en 2019…

 

Propos recueillis par Jean-Luc Caradec

A propos de l'événement

Festival de Saint-Denis
du mardi 30 mai 2017 au vendredi 30 juin 2017


Tél : 01 48 13 06 07.

www.festival-saint-denis.com

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