La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -258-Les Gémeaux, Scène Nationale.

Professeur Bernhardi

Professeur Bernhardi - Critique sortie Théâtre Sceaux Théâtre Les Gémeaux - Scène nationale de Sceaux
© Arno Declair

Théâtre / Texte de Arthur Schnitzler / mes Thomas Ostermeier
Entretien / Thomas Ostermeier

Publié le 24 septembre 2017 - N° 258

Toujours fidèle aux Gémeaux, Thomas Ostermeier y présente sa dernière création, Professeur Bernhardi. Une pièce aux résonances politiques contemporaines, d’après un texte jamais monté en France d’Arthur Schnitzler, publié en 1912.

Pourquoi ce texte de Schnitzler est-il si peu mis en scène ?

Thomas Ostermeier : Il existe plusieurs textes comme celui-ci qui ne méritent pas d’être oubliés mais qui ne voient pas souvent le plateau. Pour Professeur Bernhardi, la raison en est simple : monter ce texte exige une grande distribution. Dans la version que je présente, il y aura seize acteurs sur scène et ils sont encore plus nombreux dans l’original. Le théâtre n’a plus l’argent pour monter de tels spectacles. Et puis il faut alors réunir un ensemble d’acteurs de très grande qualité, capables de jouer ce réalisme-là, avec des personnages forts dont il faut explorer la psychologie dans le détail.

Est-ce ce défi qui a guidé votre choix ?

T.O. : L’envie de m’emparer de ce texte, je l’ai depuis plus de dix ans. Parce que Professeur Bernhardi est un texte rare dans la mesure où il parle en détail du monde du travail – de l’hôpital – quand le théâtre traite plus souvent d’amour et de vie privée. Ensuite, le retour de Jörg Hartmann parmi nous, après quelques années où il est parti jouer pour la télévision et le cinéma, a été décisif. C’est un grand acteur capable d’endosser ce rôle, qu’il tient pendant presque trois heures, en permanence sur scène. Il sait jouer toutes les nuances du personnage du Professeur Bernhardi, dans une théâtralité qui n’est jamais forcée et qui parvient toujours à éviter le drame.

« La pièce éclaire la manière dont la politique peut utiliser l’antisémitisme pour des raisons de jeux de pouvoir. »

Que raconte cette pièce ?

T.O. : C’est l’histoire du Professeur Bernhardi qui va être confronté à une cabale antisémite après la mort d’une jeune femme à qui il n’a pas permis de recevoir les derniers sacrements. Cette jeune femme est en train de mourir et le professeur ne veut pas ruiner ses derniers moments par le choc que l’entrée du prêtre pourrait causer, alors que la jeune femme se croit déjà guérie.  Cette pièce est inspirée de la vie du père de Schnitzler, qui dirigeait un hôpital, mais aussi de l’auteur lui-même, qui était médecin. Cette pièce est sous-titrée « comédie », mais c’est assez ironique quand on sait ce sur quoi va déboucher cet antisémitisme quelques années plus tard. Schnitzler ne pouvait pas le savoir mais il décrit la première étape de ce processus monstrueux de l’Histoire. A l’heure où l’extrême droite est de retour un peu partout, il est important de monter cette pièce.

Quelles lumières apporte-t-elle sur ce processus ?

T.O. : La pièce éclaire la manière dont la politique peut utiliser l’antisémitisme, le racisme, pour des raisons de jeux de pouvoir – mais ce pourrait tout aussi bien être l’homophobie ou la misogynie. Elle éclaire aussi la situation de l’Autriche à l’époque où l’Empire se défait, mais également une mentalité encore persistante aujourd’hui, qui mêle l’antisémitisme, une adoration pour l’autorité en même temps qu’une certaine lâcheté face à cette autorité.

Propos recueillis par Eric Demey

A propos de l'événement

Professeur Bernhardi
du jeudi 23 novembre 2017 au dimanche 3 décembre 2017
Théâtre Les Gémeaux - Scène nationale de Sceaux
49 Avenue Georges Clemenceau, 92330 Sceaux, France

Tél : 01 46 61 36 67.

Site : www.lesgemeaux.com

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