La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -244-Nest ~ Centre dramatique national Thionville Lorraine

Pour un théâtre sans frontières

Pour un théâtre sans frontières - Critique sortie Théâtre Thionville Centre Dramatique National Thionville-Lorraine
Crédit photo : Arthur Pequin

Animal(s) et La Bonne Education / textes d’Eugène Labiche / mes Jean Boillot
Entretien / Jean Boillot

Publié le 28 mai 2016 - N° 244

Directeur du NEST depuis janvier 2010 et à la veille d’entamer son troisième mandat, Jean Boillot y poursuit ses engagements de décloisonnement entre les arts, les territoires et les générations. Cette saison, il continue à explorer l’œuvre de Labiche.

Pourquoi choisir de continuer avec Labiche ?

Jean Boillot : Parce que son œuvre est assez exemplaire du travail de croisement que je mène avec mon équipe artistique. On connaît mal son répertoire (notamment ses pièces en un acte) et on redécouvre Labiche, qui fut un des premiers dramaturges à mettre en théâtre l’aspect pulsionnel et l’inconscient de l’homme. Jonathan Pontier a repris différentes formes de musique populaire qui sont la base du vaudeville, pour inventer des registres de chant. Karine Ponties nous a aidé à développer une physicalité des acteurs proche de l’animalité : la continuité entre le jeu et le chant permet l’expression d’un acteur total, à l’intensité débordante. Animal(s) a eu beaucoup de succès : nous le reprenons et le reprendrons encore la saison suivante. Ce spectacle, qui fait dialoguer le théâtre, la musique et le corps, provoque des réactions électriques, surtout quand tombent les vêtements et que libre cours est laissé à la frénésie des désirs. Tout cela est très jouissif, très désopilant, et pose question à certaines sensibilités. Je trouve ça très bien ! Le théâtre doit faire sauter des capsules : Animal(s) le fait en rencontrant un large public.

« Ce deuxième mandat a rendu nos actions visibles. »

Quid du nouveau diptyque intitulé La bonne Education ?

J. B. : C’est la suite sans être la suite que nous avons imaginée avec le dramaturge Olivier Chapuis ! Chez Labiche, il y a quelques motifs récurrents : la notion d’animalité, le parasite. Ces deux pièces illustrent celui du rapport entre adultes et enfants, d’où le titre choisi, un peu ironique ! Les deux pièces ont été écrites pour Céline Montaland, jeune prodige de huit ans, coqueluche des dramaturges de l’époque. Elles mettent en scène une petite fille dont les parents ont confié l’éducation à des tiers. Dans La Fille bien gardée, une veuve inconsolable fait confiance à ses deux domestiques pour élever son enfant. Mais la petite les tyrannise. Dans Maman Sabouleux, deux parents, qui ont confié leur enfant à une nourrice, découvrent une fille de ferme quand le remord les pousse à venir la visiter, au bout de huit ans. La nourrice s’est carapatée, la petite est élevée par un curieux père nourricier, avec lequel l’enfant forme un couple bizarre, où l’intimité et la tendresse sont connotées d’appétits voraces. Rien n’est dit mais tout est indiqué. Ce diptyque est sans doute plus politique que le premier puisque tout ce qui touche l’éducation touche directement la société. Les enfants, pour ces bourgeois qui ne cherchent qu’à s’enrichir, sont comme des parasites. Pour cette classe où tout s’achète et se vend, y compris l’affectif et l’intime, y compris le devoir, les enfants comptent pour rien… Je poursuis le travail avec la même équipe, qu’a rejointe la chanteuse Géraldine Keller, qui développe ce que Karine Ponties a développé sur la physicalité, en trouvant des vocalités entre le parler et le chanter.

Où en est le NEST ?

J. B. : Mon deuxième mandat se termine fin 2016 et je viens de recevoir la proposition de continuer. Faisons le bilan rapide de ce deuxième mandat : je comprends et maîtrise mieux cet outil et son action sur le territoire. Les pièces que nous avons créées nous ont permis d’accéder à une dimension et une reconnaissance nationales. Nous avons abouti notre travail de réseau : ce deuxième mandat a rendu nos actions visibles. Le travail sur le transfrontalier autant que celui sur l’adolescence portent leurs fruits. Sur le plan artistique, de la production, de la diffusion, ce mandat a permis de sortir du territoire. Nos partenariats régionaux (avec le TIL à Mancieulles, le Grand Théâtre du Luxembourg, l’espace Bernard-Marie-Koltès et le Centre Pompidou à Metz) se sont consolidés et, du coup, on élargit nos collaborations avec d’autres futurs partenaires. On travaille aussi de mieux en mieux avec la Ville de Thionville. Le public augmente régulièrement et se diversifie. Je suis très content de ce que nous avons développé avec les adolescents. On ne s’adresse plus directement à des classes mais à des individus : cela renouvelle le public et contribue à sortir de la contrainte scolaire. Lorsqu’ils viennent en classe, les adolescents vivent le théâtre comme un exercice imposé. Mais quand on fait des créations participatives comme celle du groupe de rock animé par Jonathan Pontier, qu’on n’a pas besoin de ramer pour remplir la salle, qu’on voit des jeunes venir acheter seuls leurs billets et qu’il y a une vraie grosse ambiance, le théâtre vit autrement !

 

Propos recueillis par Catherine Robert.

A propos de l'événement

Création au NEST
du mercredi 12 octobre 2016 au mercredi 19 octobre 2016
Centre Dramatique National Thionville-Lorraine
15 Route de Manom, 57100 Thionville, France

Tél : 03 82 82 14 92. www.nest-theatre.fr

Création au NEST du 12 au 19 octobre, puis tournée de novembre 2016 à mai 2017.

 

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