La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -257-Comédie de l’Est

Mémoire d’avenir

Mémoire d’avenir - Critique sortie Théâtre Colmar Comédie de l’Est – Centre Dramatique National d’Alsace.
Photo : Guy Pierre Couleau © D. R.

Entretien / Guy Pierre Couleau

Publié le 7 août 2017 - N° 257

Directeur de la Comédie de l’Est depuis 2008, Guy Pierre Couleau est à l’initiative de la manifestation qu’il accueille au CDN de Colmar.

« Il ne s’agit pas seulement de débattre mais aussi de montrer. »

 

Pourquoi choisir de fêter cet anniversaire à Colmar ?

Guy Pierre Couleau : Devant la montée des populismes, il nous faut redire les capacités du réseau des CDN à innover et à parler aux publics, à réinventer des formes et à réenchanter le monde. Nous avons un devoir vis-à-vis de nos prédécesseurs, en rappelant l’esprit originel de leur mission. André Clavé arrive en 1947, dans le premier centre dramatique installé en France par Jeanne Laurent. Comme d’autres, il est issu des réseaux de la Résistance, il est sorti vivant des camps et est imprégné des idéaux du CNR. Les nazis avaient investi beaucoup d’argent dans la culture, en particulier à Colmar et dans toute cette région d’occupation : il s’agissait d’y réintroduire la culture française. Les circonstances ont provoqué l’installation à Colmar, où se trouvait le seul théâtre encore debout, celui de Strasbourg étant démoli. Clavé est resté cinq ans. L’ont suivi Michel Saint-Denis et Hubert Gignoux. Dès le départ, il était établi que le Centre Dramatique de l’Est irait s’installer à Strasbourg. D’emblée, Clavé est venu avec dix-huit acteurs, un technicien et un administrateur, et le projet d’une école pour renouveler la troupe, préfiguration de l’école du TNS. Le centre dramatique disparaît donc lorsque Strasbourg prend le relai, jusqu’en 1980, quand Pierre Barrat revient avec l’Atelier Lyrique du Rhin. En 1990, il obtient le label CDR pour pouvoir pérenniser son travail, et s’installe dans la manufacture de tabac où nous sommes toujours. Il faut attendre 2013 pour que cette maison redevienne un CDN, à mon initiative.

Quelle est l’importance des CDN dans l’histoire de la décentralisation ?

G. P. C. : La qualité et la pertinence de ce réseau est reconnue, mais – et ce n’est pas polémique de le dire – il n’y a pas eu de réunion des directeurs de CDN en présence du ministre de la Culture depuis plusieurs années. Nous ne soutenons pas seulement les artistes, mais nous concourons au libre exercice de la pensée, en mettant en scène les problèmes de la société afin de renforcer la démocratie. Notre réseau doit vaincre les fractures par le poétique, retrouver la mission éternelle du théâtre, faire débat par le poème. La Région Grand Est compte cinq centres dramatiques, un théâtre national et le Théâtre du Peuple. A titre de comparaison, il y en a six en Ile-de-France. Notre réseau est donc dense et je voulais que cet événement soit fédérateur au niveau régional. Il existe certes des esthétiques très différentes au sein de ce réseau, mais ses membres doivent fonctionner ensemble et dans une proximité plus grande et une synergie accrue, en raisonnant à l’échelle européenne. La montée des populismes est partout présente en Europe. Or, le repli sur soi ne marchera jamais. Dans nos établissements, aller chercher les publics, c’est aussi travailler les différences, les accepter et accepter d’en débattre. Les enjeux démocratiques sont, à cet égard, autant européens que nationaux.

Pourquoi lier réflexion et spectacle dans cette manifestation ?

G. P. C. : Il ne s’agit pas seulement de débattre mais aussi de montrer. Chacun vient avec une forme brève, dans un moment performatif qui soit le plus contemporain possible. Nous allons fabriquer des choses pour cette occasion, présentées une ou deux fois chacune, en créant un parcours pour le public dont le coût sera modique, afin d’être accessible à tous. C’est une mise en danger, un cadeau qui contribue à dire le bonheur de se réunir. Je veux cet événement tourné vers le présent et l’avenir. Une table ronde questionnera cet anniversaire. Quel est le futur de la décentralisation théâtrale ? Comment orienter ses prochains 70 ans ? Quelles impulsions pour le futur et comment les nourrir du souvenir des origines ? Après-guerre, démocratiser le théâtre devait permettre de reconstruire la société. Aujourd’hui où le chaos menace, il nous faut être au cœur de la cité, avec nos outils, afin de construire une société meilleure et plus juste, sans citadelle élitiste ni tour d’ivoire. Je me sens responsable de cette mission magnifique qui consiste à créer une plus grande richesse de la pensée par le partage et le don. Réfléchissons et agissons pour le futur, et transmettons à ceux qui prendront en charge ces outils !

 

Propos recueillis par Catherine Robert

 

 

 

 

Comédie de l’Est – Centre Dramatique National d’Alsace.

6, route d’Ingersheim, 68027 Colmar.

Tél. : 03 89 24 31 78.

Site : www.comedie-est.com

A propos de l'événement

Comédie de l’Est – Centre Dramatique National d’Alsace.
6 Route d'Ingersheim, 68000 Colmar, France
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