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Focus -258-Opéra royal du Château de Versailles

Le goût de la découverte

Le goût de la découverte - Critique sortie Classique / Opéra Versailles Opéra Royal du Château de Versailles
Légende : Laurent Brunner © Patrick Messina

ENTRETIEN / LAURENT BRUNNER

Publié le 26 septembre 2017 - N° 258

Le directeur artistique de Château de Versailles Spectacles défend une vision large du répertoire naturel de l’Opéra royal, de la Chapelle royale et des autres lieux de concert. Il met en avant le goût de la découverte, pour les œuvres comme pour les interprètes.

Est-il facile de faire d’un lieu d’histoire comme Versailles un véritable lieu de concerts et de spectacles ?

Laurent Brunner : Je crois qu’il faut avant toute chose partir du lieu. Un lieu comme Versailles appelle une programmation spécifique. L’Opéra royal, par sa dimension intimiste, est propice aux propositions des XVIIe et XVIIIe siècles, c’est-à-dire les deux premiers siècles de l’opéra. On peut très bien monter un ouvrage de Cavalli au Palais Garnier mais n’oublions pas que le compositeur destinait son orchestre à la fosse de petits théâtres vénitiens. Historiquement, artistiquement, acoustiquement, Versailles est le lieu idéal pour la musique de cette époque. Il est logique d’y jouer Lully, Rameau ou Cavalli. De même, la Chapelle royale est l’un des rares lieux où l’on puisse aujourd’hui faire entendre la musique sacrée dans un espace fait pour l’accueillir, où ce que l’on entend répond à ce que l’on voit.

« Ce n’est jamais un risque de faire entendre les jeunes musiciens. »

Le répertoire baroque est un terrain musical en perpétuelle redécouverte. Comment équilibrez-vous la programmation entre les œuvres rares, parfois de véritables recréations, et les « incontournables » de la musique baroque et classique ?

L. B. : Il faut bien sûr tenir compte de l’état de l’offre et de la demande, mais je nuancerais cette idée d’œuvres « incontournables » : la facilité pousse certes à venir entendre ce que l’on connaît déjà mais, parmi notre public, beaucoup découvrent les œuvres pour la première fois. On s’aperçoit que le public fait d’abord confiance aux interprètes. Quand nous présentons le Ballet royal de la nuit, reconstitution de la toute première incarnation dansée de Louis XIV en « Roi Soleil », il n’y a pas une note signée d’un grand nom… et pourtant la salle est pleine. C’est peut-être un public de « niche », mais il existe ; il n’a même jamais été aussi nombreux.

La déclinaison de la saison en grandes thématiques est-elle aussi une façon de donner du sens aux œuvres ?

L. B. : Je crois que le public français aime les œuvres – et je ne suis moi-même pas tellement amateur des programmes « patchwork ». Par contre, retrouver la démarche artistique et même spirituelle d’une époque comme on le fait cette saison autour de la Réforme me semble intéressant. Paul McCreesh recréera ainsi la Messe de Noël de Praetorius, telle qu’on pouvait l’entendre en Allemagne du Nord au début du XVIIe siècle, avec les Pages et les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles tenant les parties dévolues au chœur des fidèles.

Vous parlez de relation de confiance avec les interprètes et en même temps vous faites beaucoup appel à la jeune génération. Le public est-il prêt à vous suivre dans la découverte de nouveaux ensembles ?

L. B. : La principale difficulté pour ces ensembles, c’est de pouvoir jouer. Un public – je parle du concert, pas des enregistrements –, il faut le créer et cela passe par une présence régulière. À chaque ensemble avec qui je souhaite travailler, j’essaie de proposer une association sur plusieurs concerts ; le public doit pouvoir l’entendre dans des musiques différentes, à différents moments de la saison. Quand nous invitons Pygmalion ou aujourd’hui l’ensemble Correspondances de Sébastien Daucé deux ou trois fois par saison pendant cinq ans, nous pouvons construire quelque chose. Ce n’est jamais un risque de faire entendre les jeunes musiciens ; au contraire, ils apportent énormément d’énergie.

 

Propos recueillis par Jean-Guillaume Lebrun

A propos de l'événement

Opéra Royal du Château de Versailles
4 Avenue de Paris, 78000 Versailles, France

Tél. : 01 30 83 78 89.

Site : www.chateauversailles-spectacles.fr

 

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