La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -252-Festival de Saint~Denis

La catharsis et la grâce

La catharsis et la grâce - Critique sortie Classique / Opéra Basilique
Les retrouvailles de Jean Bellorini et Leonardo Garcìa Alarcòn (Jean Bellorini © Guillaume Chapeleau)

ENTRETIEN CROISE / BASILIQUE
Leonardo Garcìa Alarcòn et Jean Bellorini

Publié le 15 février 2017 - N° 252

L’un est chef d’orchestre, l’autre metteur en scène. Leonardo Garcìa Alarcòn et Jean Bellorini se sont rencontrés au Festival de Saint-Denis en 2015 lorsqu’ils ont collaboré autour des motets de Lully à l’occasion de La Dernière Nuit. Depuis, l’envie de travailler à nouveau ensemble s’est imposée. Pendant qu’ils répètent Erismena de Cavalli pour le Festival d’Aix, ils se retrouvent aussi pour Orfeo de Monteverdi.

Quel souvenir gardez-vous de La Dernière Nuit ?

Leonardo Garcìa Alarcòn : La rencontre a été extraordinaire. Au début je n’imaginais pas comment jouer avec des acteurs sur les grands motets de Lully. Je considérais cette musique comme auto-suffisante. Jean Bellorini a démontré à quel point on peut interpeller le public d’aujourd’hui avec des textes du passé. Il a réussi à nous faire croire que les acteurs étaient en train d’improviser. Même la musique paraissait être composée sous nos yeux. Cela nous a extrêmement émus, nous avons vécu une catharsis assez unique qui m’a permis de comprendre à quel point Jean Bellorini est un artiste phénoménal.

Jean Bellorini : Il y a eu effectivement une rencontre extrêmement forte de deux envies, deux univers, deux énergies. Une forme de grâce venue non seulement de la Basilique, mais aussi du fait que tout à coup, la théâtralité et la musique se sont rencontrées. Lier intimement les deux, c’est le sens de tout mon travail : l’intensité donne naissance à la musique, et la musique donne du sens. On ne savait pas que cela allait se produire. Leonardo Garcìa Alarcòn apporte une liberté, une disponibilité, une ouverture d’esprit en plus de son immense culture. Pour un metteur en scène, c’est idéal !

« Une nouvelle lecture, c’est ce qu’un musicien attend toujours d’un homme de théâtre. » Leonardo Garcìa Alarcòn

« J’essaie de convoquer l’autorité des chanteurs au sens où ils deviennent vraiment auteurs du spectacle. » Jean Bellorini

Comment allez-vous aborder cet Orfeo ?

L. G. A. : J’ai déjà dirigé Orfeo au festival d’Ambronay. J’attends maintenant de Jean Bellorini qu’il puisse lui donner une dimension spatiale et délivrer son idée du message de l’œuvre, d’une manière qui puisse parler au public d’aujourd’hui. Cela va être une surprise pour moi aussi. Une nouvelle lecture, c’est ce qu’un musicien attend toujours d’un homme de théâtre. Aujourd’hui, d’une certaine façon, la collaboration entre un compositeur et son librettiste se retrouve dans la relation entre un chef d’orchestre et un homme de théâtre : définir la force émotionnelle d’une pièce pour la transformer de sorte qu’elle paraisse contemporaine.

J. B. : A l’intérieur des répétitions, mon obsession à l’opéra est la même qu’au théâtre : recréer une troupe au service du spectacle avec un investissement des chanteurs qui tend à être exactement le même que celui des acteurs. On sent bien qu’il y a dans la tradition de l’opéra une notion d’interprétariat où le chanteur est au service d’un metteur en scène, d’une vision. Moi, j’essaie de convoquer l’autorité des chanteurs au sens où ils deviennent vraiment auteurs du spectacle. Sur cet Orfeo, c’est moins une mise en scène qu’une version de concert mise en espace avec une tentative esthétique franche. Ce sera un travail autour de la musique avec une scénographie qui tire vers le forain, l’électrique, pour habiter la Basilique de manière un peu surprenante, et un travail avec les chanteurs sur l’espace : comment utiliser l’orgue, les hauteurs, certains mouvements de plateau sur des chariots ? Quelque chose d’assez simple qui rende l’œuvre claire, parlante.

Quel est le message d’Orfeo ?

L. G. A. : C’est la force de l’amour qui est plus fort que la mort. L’amour d’Orphée pour Eurydice lui permet d’aller jusqu’au royaume de l’au-delà parce qu’il ne peut pas comprendre l’existence de la mort comme destructrice de l’amour et de ce qu’il vit. C’est la force de la musique aussi.

J. B. : Effectivement l’amour est le grand vainqueur. C’est aussi la tentation. La tentation de se retourner. Cette tentation qui fait partie de notre XXIe siècle d’orgueil, d’égocentrisme et d’amour. Beaucoup de gens se regardent, s’enivrent de leur propre image et ne réussiront pas à s’en extraire. Même au cœur des Enfers, on est tenté par le regard, le fait de se retourner, et on est pris au piège.

 

Propos recueillis par Isabelle Stibbe

A propos de l'événement

La catharsis et la grâce
du mardi 20 juin 2017 au mardi 20 juin 2017
Basilique
93200 Saint-Denis, France

à 20h30.

 

Festival de Saint-Denis,

Du 30 mai au 30 juin 2017.

Tél : 01 48 13 06 07.

www.festival-saint-denis.com

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