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Focus -263-Musée d’art et d’histoire du Judaïsme

Inscrire le judaïsme dans le récit national

Inscrire le judaïsme dans le récit national - Critique sortie Classique / Opéra Paris Musée d’art et d’histoire du Judaïsme
© Paul Allain

Publié le 15 février 2018 - N° 263

Directeur du musée d’art et d’histoire du Judaïsme depuis 2013, Paul Salmona célèbre les 20 ans du mahJ à travers une foisonnante programmation illustrant la riche diversité des cultures juives.

Quels sont les contours historiques et géographiques de votre parcours permanent ?

Paul Salmona : Historique, artistique, culturelle et cultuelle, riche d’environ 700 œuvres et objets originaux, notre parcours permanent se distingue par son large spectre historique, du Moyen Age à nos jours, mais aussi géographique, car les collections proviennent de France, du Maghreb, du Levant, d’Italie, d’Allemagne, de Hollande, d’Europe centrale et orientale… Une telle diversité fait écho à l’histoire des juifs de France, reliée à la plupart des communautés juives d’Europe et de la Méditerranée. En outre, l’histoire même de la collection, enrichie au fil du temps grâce à des dons et legs divers, n’est pas focalisée sur la France. A travers cette pluralité, le musée met en lumière le judaïsme comme fait de civilisation. Financé par l’Etat et la Ville de Paris, c’est un musée d’art et d’histoire laïc et républicain, destiné à tous les publics. La qualité et la diversité des collections en font un des musées du judaïsme les plus riches d’Europe.

« Le musée met en lumière le judaïsme comme fait de civilisation. »

L’histoire de cette présence juive très ancienne n’est-elle pas méconnue ?

P. S. : Très méconnue ! Etonnamment, cette présence n’est racontée nulle part et par personne, si ce n’est par quelques historiens et chercheurs très pointus. Comme s’il s’agissait d’une histoire hors sol. Ce dont on se souvient, c’est de l’Emancipation de 1791, et de la Shoah. Or, depuis l’Antiquité et jusqu’aux expulsions – par Philippe-Auguste en 1182, Philippe le Bel en 1306, Charles VI en 1394… -, les juifs ont fait partie de l’histoire démographique et culturelle du pays. Certaines communautés comme celles du Comtat Venaissin  ou ceux d’Alsace, connurent d’ailleurs un destin particulier qui maintint leur présence après le Moyen Age. En tant que musée d’Art et d’Histoire, nous visons à mieux inscrire l’histoire des juifs de France dans le récit national. Ce que souligne cette histoire, et ce qu’on oublie trop souvent, c’est que depuis l’Antiquité, la France est un pays multiculturel.

Quelles sont les activités du musée ?

P. S. : Nous présentons quatre à cinq expositions temporaires par an, très appréciées du public francilien, sur des sujets artistiques et culturels variés – archéologie, peinture, bande dessinée… Nous bénéficions d’une librairie très fournie et d’une médiathèque sans équivalent en Europe, spécialisée dans les champs de l’art, l’archéologie, et l’histoire des juifs de France. A raison d’une centaine de séances par an dans notre auditorium, la programmation culturelle rend compte de la diversité des cultures du judaïsme à travers des colloques, conférences, rencontres, lectures, projections, concerts… Notre volet éducatif est aussi considérable, et nous réalisons un important travail interculturel. Nous accueillons un vaste public scolaire, ainsi que de nombreux enseignants qui apprécient l’offre du musée sur la formation aux questions de préjugés et de discrimination.

Comment célébrez-vous ce vingtième anniversaire ?

P. S. : Par une programmation dense et exceptionnelle tout au long de 2018, scientifique mais aussi ludique. Nous proposons deux expositions remarquables, ainsi qu’un hommage aux donateurs de mars 2018 à janvier 2019. La première, d’avril à juillet 2018, est dédiée à Helmar Lerski (1871-1956), grand humaniste et photographe allemand méconnu, qui émigra en Palestine dans les années 1930 et dont l’œuvre est une réponse à l’antisémitisme nazi. La seconde, d’octobre 2018 à février 2019, dont le commissariat est assuré par Jean Clair – auquel on doit Vienne 1880-1938. L’apocalypse joyeuse ou Mélancolie -, se consacre à Sigmund Freud, et notamment à son univers visuel et aux œuvres qu’il a inspirées. Nous organisons aussi une série de colloques : sur le sionisme des origines à nos jours, une notion aussi mal connue que décriée ; sur Emmanuel Levinas, qui réalise une synthèse entre Athènes et Jérusalem ; etc.

Quels projets nourrissez-vous pour l’avenir ?  

P. S. : Nous travaillons depuis deux ans sur un projet de refonte et d’extension du musée. Au fil du temps, notre expertise sur la perception du public et l’enrichissement des collections nous ont conduits à tout repenser. Nous voulons mettre en lumière la présence juive en France dès l’Antiquité, mais aussi après la Seconde Guerre mondiale, mieux contextualiser les œuvres, accorder plus d’espace à la très belle collection de l’Ecole de Paris et à l’art contemporain. Nous envisageons une extension des espaces sous le jardin Anne-Frank, qui permettrait de gagner 500 mètres carrés pour créer des salles plus vastes pour les expositions temporaires, et libèrerait 400 mètres carrés pour le parcours permanent. C’est un chantier important et  enthousiasmant…

 

Propos recueillis par Agnès Santi

A propos de l'événement

Le musée d’art et d’histoire du Judaïsme célèbre ses 20 ans !
Musée d’art et d’histoire du Judaïsme
Hôtel de Saint-Aignan, 71 rue du Temple, 75003 Paris

Tél : 01 53 01 86 65. www.mahj.org

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