La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -261-Théâtre de Sartrouville et des Yvelines

hic et nunc

hic et nunc - Critique sortie Théâtre Sartrouville Théâtre de Sartrouville et des Yvelines - Centre Dramatique National.
Estelle Savasta, autrice de hic et nunc et Camille Rocailleux, son metteur en scène. CR : DR / Dubost

Texte Estelle Savasta, d’après Voltaire / mes et composition Camille Rocailleux / dès 9 ans
Entretien / Estelle Savasta et Camille Rocailleux

Publié le 8 décembre 2017 - N° 260

Candide de Voltaire n’est pas une œuvre pour les enfants. Estelle Savasta et Camille Rocailleux ont pourtant pris dans hic et nunc le pari de l’adapter au jeune public et à notre monde contemporain.

Pourquoi adapter Candide pour le jeune public ?

Camille Rocailleux : Le CDN de Sartrouville m’a laissé complètement libre dans mon choix. Comme j’aime bien les anti-héros et que Candide est quand même un enfant qui se retrouve catapulté hors de son cocon, dans un monde qui ne répond pas du tout aux repères de son enfance, j’ai demandé à Estelle d’en écrire une version pour les jeunes de notre monde d’aujourd’hui. Parce que ce dernier est quand même aussi très tourmenté.

Estelle Savasta : Ce n’est pas du tout un conte pour enfants. On trouve dans Candide des viols, des gens éventrés et même de la zoophilie. Notre point de départ a été de vouloir écrire un Candide d’aujourd’hui, pour des enfants. Ce qui tombe bien, c’est que Voltaire dit avoir écrit là une « couillonnerie », en forme de pied de nez à Leibniz. Ce qui rend son récit très drôle et très ironique.

Que faites-vous de cette violence du monde décrit par Voltaire ?

C.R. : Avec Estelle, on a beaucoup échangé sur cette question de la violence. Le spectacle est destiné à des enfants entre le CM1 et la 5ème, un âge important qui précède l’adolescence. D’un côté, on adoucit cette violence, mais de l’autre, on ne veut pas sous-estimer les enfants dans leur capacité à entendre la violence de notre monde. Nous sommes sans cesse à la recherche du bon équilibre.

E.S. : Je suis habituée à écrire pour les enfants et leur vulnérabilité implique quelques règles. Par exemple celle de ne pas finir une histoire dans le désespoir. Ça ne veut pas dire forcément une happy end, mais au moins une fin ouverte. En même temps, on va traverser des formes de violence de ce monde : un enfant qui travaille à la mine, des migrants sur un bateau, des esclaves en Lybie. Ça ressemble au réel, mais notre Candide traverse tellement de choses que, de toute façon, c’est trop. Personne ne peut vivre ça en vrai.

« Je choisis une forme joyeuse pour visiter ce système qui nous attriste. » Camille Rocailleux 

« Ce qui est génial avec un public d’enfants, c’est qu’il n’est pas formaté. » Estelle Savasta 

Quelle forme prendra votre spectacle ?

E.S. : Du côté de l’écriture, nous travaillons au plateau en cherchant à conserver l’ADN du récit de Voltaire. Nous nous appuyons essentiellement sur les passages clés, ceux qui font basculer Candide dans un autre état, comme par exemple sa rencontre avec le « Nègre de Surinam ». Et bien sûr, il garde comme moteur principal son amour fou pour Cunégonde.

C.R. : L’idée, c’est vraiment de créer  une forme jubilatoire. Comme dirait Deleuze, je choisis une forme joyeuse pour visiter ce système qui nous attriste. On va par exemple utiliser la vidéo et faire appel, comme je le fais souvent, au théâtre musical. Il y aura un beatboxer par exemple, parce que j’ai une formation initiale dans les percussions corporelles. Mais d’un autre côté, je ne veux pas m’interdire de partir par endroits dans des envolées lyriques. J’ai envie que les styles se télescopent, que notre héros brinqueballé le soit aussi par les ruptures musicales.

Comment dire à des enfants qu’il faut, pour reprendre les mots de Voltaire, cultiver son propre jardin ?

E.S. : Ce qui est génial avec un public d’enfants, c’est qu’il n’est pas formaté. Et ma motivation à écrire et mettre en scène pour le jeune public, c’est que les expériences qu’ils traversent peuvent vraiment modifier leur parcours. Lorsque j’étais en train d’écrire la fin du texte, je lisais beaucoup de choses sur la permaculture. C’est un vrai projet de société qui se dessine. Dans la permaculture, un jardin qui va bien, c’est un jardin où les espèces sont mélangées alors qu’on avait pris l’habitude jusque-là de séparer les espèces.

C.R. : La fin ouverte de la pièce invite la jeunesse à continuer de croire en elle. Il faut qu’ils aient l’envie d’être dans le faire, on compte sur eux pour inventer et réinventer notre monde.

 

Propos recueillis par Eric Demey

A propos de l'événement

hic et nunc
du mardi 16 janvier 2018 au samedi 17 mars 2018
Théâtre de Sartrouville et des Yvelines - Centre Dramatique National.
Place Jacques Brel, 78500 Sartrouville, France

Création le 16 janvier 2018 à l’Usine à Chapeaux-Maison des jeunes et de la culture-Centre social à Rambouillet.

Tournées des six créations dans le département des Yvelines du 15 janvier au 17 mars 2018. Puis tournées nationales.

Tel : 01 30 86 77 79.

www.theatre-sartrouville.com.

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