Etre volontariste et ne pas l’être

Quel sens donnez-vous aux thèmes de liberté et d’amour que vous avez placés au centre de cette nouvelle saison ?

Macha Makeïeff : C’est une réponse que j’ai voulu donner aux nombreuses interrogations qui se sont présentées à nous, en 2017, avec les changements politiques, les menaces extrémistes et terroristes… On a vraiment dansé au bord de l’abîme. La liberté de vivre l’échange vital qui se joue entre le public et les artistes est une question qui se pose toujours à nous. J’ai trouvé important d’affirmer cette liberté absolue de recevoir, de réagir, d’échanger.

Ces menaces vous ont donc donné encore plus d’ardeur pour défendre ces valeurs…

M. M. : Ah oui ! Et c’est la moindre des choses. Mais au-delà de la vérification de mes convictions et des missions de La Criée, ces épreuves m’ont amenée à être encore plus sensible à ce qui m’entoure. De manière plus ou moins consciente, d’ailleurs. J’ai fait des choix de programmation volontaristes, comme mettre en lumière des femmes artistes, par exemple. Mais j’ai également tenu à rester disponible à l’état de la société. Une saison de théâtre, c’est une chimie qui s’invente. Il faut à la fois être volontariste et ne pas l’être, défendre des engagements très personnels et rester à l’écoute des bruits du monde.

« Une saison de théâtre, c’est une chimie qui s’invente. »

A quoi a abouti, pour cette saison 2017/2018, ce double mouvement ?

M. M. : La Criée est avant tout un théâtre de création. Cela suppose, dans le rapport aux publics, de proposer une histoire commune consistant à attendre et partager les nouvelles aventures de la scène. En 2017/2018, beaucoup de choses éclaireront les interrogations de la jeunesse : son héritage, la façon dont elle envisage le monde, les choses qu’elle a entre les mains et ce qu’elle veut en faire… Comme je l’ai évoqué, cette nouvelle saison questionnera également la légitimité des femmes artistes. Un autre grand axe de programmation sera l’exil. Je vais moi-même mettre en scène La Fuite !, de Boulgakov, mais d’autres spectacles parleront de l’exil intérieur, de l’exil imposé, de l’exil volontaire. Celui de l’artiste, par exemple, qui a besoin d’être ailleurs tout en revendiquant le fait d’être de nulle part, de toujours avoir à se déplacer pour créer.

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

La Criée – Théâtre national de Marseille

30 quai de Rive Neuve, 13007 Marseille.

Tél. 04 91 54 70 54.

www.theatre-lacriee.com