Cyrano de Bergerac

« Si Cyrano est un personnage populaire, c’est sans doute parce que c’est un personnage complexe.  Il est également en tant que beau parleur un véritable personnage de théâtre. Cette pièce raconte l’histoire de quelqu’un qui aime raconter des histoires. La scène du balcon est une scène de théâtre où, à la manière d’un comédien, Cyrano devient Christian tout en restant un autre. A la fin, lorsque mourant, Cyrano apprend qu’une de ses répliques lui a été piquée par Molière, il s’inquiète de l’effet qu’elle a produit sur les spectateurs. Il nous dit ainsi que nous sommes tous les artisans d’une grande scène de théâtre, que nous sommes là pour servir.

Une esthétique d’aujourd’hui

Ce personnage bravache, grande gueule, courageux et engagé, qui surmonte le handicap dont la nature l’a affublé, est porteur d’un rapport à l’Art. Pour moi, il ne faut pas passer à côté de l’acte IV, de la violence du conflit lors duquel Cyrano se met à écrire à Roxane. La puissance de son écriture va conduire « la petite » à dépasser sa peur de la mort pour rejoindre Christian au front. Ce n’est pas anecdotique. Non plus qu’en pleine guerre, à la manière d’un Poilu, l’écriture permette à Cyrano de sublimer les moments qu’il vit. Pour moi, Edmond Rostand a écrit un chef-d’œuvre que je considère comme contemporain. Nous serons dans une esthétique d’aujourd’hui. J’ai choisi Gilles Privat pour incarner Cyrano parce qu’il a cette capacité à s’emparer de la langue de telle manière qu’on a l’impression que l’œuvre vient d’être écrite. »

Propos recueillis par Eric Demey