La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -243-LA MANUFACTURE~COMPAGNIE JEAN~CLAUDE FALL

Comme un concert de rock

Comme un concert de rock - Critique sortie Théâtre Paris
Crédit photo : Marc Ginot

Propos recueillis / Roxane Borgna

Publié le 24 avril 2016 - N° 243

La comédienne Roxane Borgna adapte et interprète les mots incandescents d’Etty Hillesum. Un coup de foudre avec l’œuvre, une admiration fascinée pour la femme et un même incoercible désir de vivre !

« Un coup de foudre littéraire comme celui-là, on en a un tous les dix ans ! Voilà une femme qui écrit un journal intime. Elle a oublié qu’elle était juive, elle a vingt-sept ans, elle va encore à l’université, elle donne des cours de russe, elle veut être écrivain et multiplie les aventures amoureuses. Elle n’arrive pas à s’épanouir, ni sexuellement, ni existentiellement. En février 1941, elle rencontre un ancien élève de Jung, Julius Spier, dont elle dira qu’il a été « l’accoucheur de son âme ». L’essentiel de son journal, dont elle entame alors la rédaction, parle de la relation avec lui. Qu’est-ce que l’amour ? Qu’est-ce que cette pulsion ? « Je souffre d’une occlusion de l’âme », dit cette femme qui se scrute comme Rousseau dans Les Confessions, tout à l’écoute d’elle-même et de sa condition de femme. Ce qui m’a séduite, c’est sa vitalité et sa capacité à se dire la vérité. En 1942, elle obtient un emploi auprès du Conseil juif s’occupant à Amsterdam des problèmes de la communauté juive. Alors que des visas sont offerts aux membres de ce conseil pour rejoindre les Etats-Unis, tous refusent et choisissent d’être envoyés au camp de Westerbork pour être auprès des leurs. Elle interrompt alors la rédaction de son journal, envoie des lettres de Westerbork, revient six mois à Amsterdam (elle reprend alors son journal) et repart au camp, cette fois-ci comme détenue.

Un hymne à la vie

Apparaît alors la thématique de la haine de l’autre, et la capacité à ne pas se laisser prendre par elle. Sans s’affirmer comme résistante, elle résiste à sa façon, avec une grande humilité. La liberté est en soi, dit Etty, on se l’accorde à soi, dans une prison ou dans un château. Lorsque j’ai lu cela, je me suis demandé si je saurais mettre ces paroles dans ma vie. Au camp, dit Etty, je n’ai jamais trouvé la vie aussi belle ni ne me suis sentie aussi libre. Elle aide tout le monde, avec une énergie sans fond, une conscience aiguë de cette chose exceptionnelle qu’est la vie. Dans la catastrophe, elle ne ressemble absolument pas à ceux qui l’oppriment. A l’époque de ma découverte de ce livre, je me sentais moi-même opprimée par le système de l’intermittence et le capitalisme. Si elle est libre, comment peux-tu être autant affectée, me demandai-je ?

Une adaptation sauvage !

Ce spectacle est l’adaptation la plus sauvage de ce journal ! J’ai créé un montage par thématiques : l’occlusion de l’âme, l’urgence intérieure, la toilette morale, la haine, l’intelligence de l’âme. Le dispositif est hyper rigoureux et les treize tableaux sont un défi physique et vocal. L’émotion ne passe pas par un travail classique de reconnaissance d’un vécu. Nous avons voulu des courants d’énergie, des courants de son dans lesquels je rentre physiquement. Un spectacle historique ne m’intéressait pas. Je voulais que sans le son, rien qu’à l’image, le spectacle soit un concert de rock semblable à elle, compulsive et goulue. La manière dont je voulais la célébrer devait être une fête joyeuse, vive, brillante, pleine de cet appétit de vivre. »

 

Catherine Robert

A propos de l'événement

Une vie bouleversée
du jeudi 26 mai 2016 au dimanche 5 juin 2016


Théâtre de la Tempête, Cartoucherie,

Du mardi au samedi à 20h30 ; dimanche à 16h30. Tél. : 01 43 28 36 36. Durée : 1h.

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