À la rencontre de la musique contemporaine

Elle a la vie dure, l’image du compositeur dans sa tour d’ivoire. Pourtant, en ce début d’après-midi d’hiver, c’est avec un grand naturel que Luca Antignani entre dans la salle de musique du lycée parisien La Fontaine. Face à lui, une trentaine d’élèves de première et de terminale, habitués des lieux ou venus en voisins du lycée Lamartine. Tous, dans le cadre de l’option musique, ont déjà passé plusieurs heures, guidés par leurs enseignants, en compagnie de son Trio del sogno e del gabbiano, l’une des six pièces qui concourent cette année pour le Grand Prix lycéen des compositeurs. Puisque le compositeur est là, c’est à l’homme que s’adressent d’abord les questions : pourquoi a-t-il choisi la composition ? Quels ont été ses premiers pas dans le métier ? Peut-il en vivre aujourd’hui ? « Ces rencontres sont un vrai moment de démystification de l’image du compositeur, souligne Marie-Line Bouhatous, qui a elle aussi reçu Luca Antignani au lycée Champollion de Grenoble. Quand le compositeur nous dit qu’il a dû tenir tête à ses parents pour suivre sa vocation de compositeur, cela résonne chez nos élèves qui sont en phase d’orientation. »

Un dialogue essentiel

L’activité créatrice elle-même est plus difficile à cerner mais, question après question, les lycéens s’y emploient, essayant de démêler la part de l’inspiration et de la technique, d’approcher le langage du compositeur, ses intentions (« qu’avez-vous voulu transmettre ? »), son rapport ou son éloignement à la tradition. Le compositeur Brice Pauset, qui participe pour la première fois au Grand Prix, se réjouit de ces questions « qui fâchent » : « des questions d’apparence simple mais qui emportent un flot considérable de concepts souvent en phase d’endormissement ». Car, devant les œuvres elles-mêmes, les élèves ne cachent pas toujours leur étonnement, voire une certaine incompréhension envers des propositions parfois très éloignées de leurs habitudes d’écoute. En ce sens, le dialogue direct avec les compositeurs que permettent ces rencontres est essentiel. Après l’intervention de Luca Antignani, qui a illustré par l’exemple quelques-unes des clefs de la « stratégie compositionnelle » pour son trio, un élève confiera être venu avec le « préjugé d’un certain charlatanisme de la musique contemporaine » mais avoir pris conscience de « la quantité et la sincérité du travail » que réclame une œuvre.

Installer une situation d’écoute

La mission du Grand Prix Lycéen des Compositeurs est bien celle-là, installer les élèves en situation d’écoute : « une écoute active, curieuse, appuyée sur des éléments de culture musicale, qui viendrait développer leur exigence » comme le revendique Luca Antignani. Bien sûr, ce n’est pas en une année que les goûts, les réflexes esthétiques de ces jeunes seront bouleversés. Mais la rencontre avec six œuvres d’aujourd’hui (soit près d’une vingtaine pour les élèves qui participeraient sur les trois années de leur scolarité au lycée) sème assurément dans leurs esprits la possibilité d’une écoute différente.

Jean-Guillaume Lebrun